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Impact sanitaire du bruit des transports
Agglomération parisienne
Fanny MietlickiDirectrice de l’association Bruitparif - Centre d'évaluation technique de l'environnement sonore en Île-de-France

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C'est pour mieux connaître l'impact sanitaire du bruit des transports dans l'agglomération parisienne que l'Observatoire du bruit en Île-de-France, Bruitparif, et l'Observatoire régional de la santé (ORS) Île-de-France ont appliqué sur ce territoire une méthode mise au point par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour déterminer la morbidité liée au bruit. Cet article synthétise les principaux enseignements du rapport produit par les deux observatoires1.

Le bruit est une source de gêne très importante en Île-de-France du fait de la forte concentration de l’habitat et de la densité exceptionnelle des infrastructures de transports. Parmi les atteintes à la qualité de vie, le bruit constitue une des premières nuisances citées.

L'Île-de-France est la région la plus peuplée de France avec 12 millions d'habitants pour une superficie de 12 000 km2, principalement concentrés dans l’agglomération parisienne (plus de 10 millions d’habitants).

LE BRUIT ENVIRONNEMENTAL : UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE

Le bruit dans l'environnement constitue un problème sanitaire majeur. Parmi les facteurs de risque environnemental en Europe, il apparaît ainsi comme la seconde cause de morbidité derrière la pollution atmosphérique.

Selon une publication de mars 2011 de l’OMS2, le bruit causé par les transports pourrait coûter chaque année dans l’Europe occidentale plus d'un million d'années de vie en bonne santé, ce qui place le bruit à la deuxième place des causes environnementales de morbidité, derrière la pollution atmosphérique.

L'exposition au bruit dans l'environnement a essentiellement des effets sur la santé que l'on qualifie d'effets extra-auditifs car n'affectant pas directement le système auditif (les effets sur l’audition étant généralement le fait d’expositions, en milieu professionnel ou lors des loisirs, à des niveaux de bruit qui dépassent 85 décibels A (dB(A), voir encadré), considéré comme le seuil de risque pour l’audition). Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses publications ont établi un lien entre exposition au bruit dans l’environnement et différents problèmes de santé.

Perturbations du sommeil

Un des principaux effets extra-auditifs du bruit concerne les perturbations du sommeil, qui peuvent apparaître dès 40 dB(A) en niveau moyen la nuit. Les troubles du sommeil peuvent se manifester par un retard à l’endormissement, une augmentation du nombre et de la durée des éveils nocturnes, la réduction de la durée totale du sommeil, des modifications des différentes phases du sommeil avec une diminution du sommeil profond et des phases de sommeil paradoxal.

Le bruit entraîne ainsi une fragmentation du sommeil qui diminue considérablement sa qualité et donc son pouvoir récupérateur. Un sommeil de mauvaise qualité peut avoir de graves répercussions sur la vie quotidienne, générant somnolence, baisse de l'attention et des performances et exposant ainsi les personnes à des risques plus importants d'avoir un accident de la route ou du travail. D'après le rapport de l'OMS de 2011, une personne sur 5 en Europe aurait ainsi un sommeil de mauvaise qualité dû au bruit des transports.

Les décibels A (dB(A))L’oreille humaine n’est pas sensible de la même manière à toutes les fréquences. À niveau équivalent, un son grave sera perçu moins fort qu’un son aigu. Pour tenir compte de ce facteur, un filtre de pondération fréquentiel, appelé filtre de pondération A, est utilisé.

Risques cardio-vasculaires

Les nuisances sonores peuvent provoquer des réactions non spécifiques de stress physiologique et être à l’origine de problèmes cardio-vasculaires chez les sujets exposés au bruit de manière chronique. Le stress peut augmenter la sécrétion de certaines hormones (adrénaline, catécholamines, cortisol...) pouvant entraîner divers effets intermédiaires comme l’hypertension artérielle. Sur une période d’exposition prolongée, ces effets peuvent à leur tour accroître le risque de maladie cardio-vasculaire.

Gêne

Selon la définition de l'OMS, la gêne est « une sensation de désagrément, de déplaisir provoquée par un facteur de l’environnement (le bruit, par exemple) dont l’individu ou le groupe connaît ou imagine le pouvoir d’affecter sa santé ».

Chaque individu a sa propre perception du bruit. La gêne qu'il ressent est donc le résultat de facteurs liés au bruit (intensité sonore, émergence par rapport au bruit de fond, répétitivité du bruit, signature fréquentielle), mais également de facteurs contextuels et individuels tels que la période de la journée pendant laquelle le bruit survient, le caractère subi ou choisi du bruit, l'image positive ou non que la personne a de la source sonore, son histoire personnelle, ses habitudes socio-culturelles, son âge, son mode de vie... D'après le rapport de l'OMS de 2011, une personne sur 3 en Europe se déclarerait ainsi gênée par le bruit des transports.

Retard dans les apprentissages

L'exposition des enfants au bruit entraîne des difficultés de concentration et affecte les fonctions cognitives des écoliers, entraînant ainsi retard dans l'apprentissage et problèmes de comportement.

Acouphènes

L’acouphène est un bruit subjectif, entendu « dans l’oreille » ou « dans la tête », sans aucun stimulus sonore extérieur. Il peut être le symptôme d’une pathologie du système auditif ou bien être la séquelle d’un accident traumatique. Il est très souvent présent simultanément à une perte auditive.

La déficience auditive pouvant se produire pour des niveaux d’exposition au bruit supérieurs à 75 dB(A) en moyenne sur 8 heures ou supérieurs à 70 dB(A) en moyenne sur 24 heures, le bruit environnemental, lorsqu’il est élevé et permanent, comme dans le cas de certaines expositions au bruit routier, peut avoir une incidence non négligeable sur l’apparition d’acouphènes. Du fait d’un nombre restreint d’études disponibles, la part relative des acouphènes liée au bruit environnemental a été estimée par un consensus d’experts à 3 %.

À noter
L’évaluation des impacts sanitaires du bruit des transports présentée dans cet article a été réalisée à l’échelle de l’agglomération parisienne par Bruitparif et l’ORS Île-de-France en 2015 à partir des données issues des cartographies du bruit dites de 1re et 2e échéances de la directive européenne « Bruit » (produites entre 2007 et 2014) et des relations dose-réponse qui étaient disponibles à l’époque telles que publiées par l’OMS dans son rapport de 2011. Depuis, de nouvelles cartographies du bruit ont été produites par Bruitparif au titre de la 3e échéance (http://carto.bruitparif.fr) et, en octobre 2018, l’OMS a publié de nouvelles lignes directrices pour le bruit dans l’environnement7 qui revoient notamment nettement à la hausse les impacts sanitaires associés aux expositions au bruit des trafics aérien et ferroviaire (voir figure).


Bruitparif travaille donc actuellement à la réactualisation de la quantification des impacts sanitaires du bruit des transports au sein de l’agglomération parisienne sur la base de ces nouvelles données et connaissances. Les résultats devraient être connus prochainement.

MÉTHODE DE QUANTIFICATION DES IMPACTS SANITAIRES DU BRUIT

L’OMS a élaboré une méthode permettant de quantifier les principaux impacts du bruit environnemental au travers de l’estimation du nombre d’années de vie en bonne santé perdues :

Indicateurs Lden et Ln
L’indicateur Lden (Level day-evening-night) correspond au niveau sonore moyen pondéré pour une journée divisée en 12 heures de jour (day), en 4 heures de soirée (evening) et 8 heures de nuit (night). Les niveaux moyens sur les périodes de soirée et de nuit se voient attribuer des majorations respectives de 5 dB(A) et de 10 dB(A) pour tenir compte de la sensibilité plus importante des populations au bruit au cours de ces deux périodes.
L’indicateur Ln (Level night) correspond au niveau sonore moyen sur la période nocturne (22h-6h).
  • Une estimation des expositions au bruit est réalisée à partir des statistiques d’exposition au bruit de la population fournies par classe de 5 en 5 dB(A) pour les indicateurs Lden (Level day-evening-night, indicateur moyen pondéré de bruit sur la journée) et Ln (Level night, niveau de bruit moyen sur la période nocturne 22h-6h) (voir encadré), pour chacune des principales sources de bruit des transports : trafic routier, trafic ferroviaire et trafic aérien.
  • À partir des relations dose-effet issues des résultats des études épidémiologiques préconisées par l’OMS est estimé le pourcentage de personnes affectées pour chaque effet sanitaire et pour chaque source de bruit. Pour les infarctus du myocarde, la relation fournit un risque relatif. Pour les acouphènes, il n’existe pas de relation dose- effet, mais une estimation de la part des acouphènes attribuable globalement au bruit environnemental est proposée.
  • Le fardeau global de la maladie liée au bruit peut être exprimé au travers de l’indicateur des Disability Adjusted Life Years (DALY) ou années de vie en bonne santé perdues. La notion d’incapacité traduit une dégradation de l’état de santé quantifiée par le coefficient d’incapacité DW (Disability Weight). Ce coefficient DW est associé à chaque impact sanitaire et peut varier sur une échelle allant de 0 (état de santé non dégradé) à 1 (décès). Il est généralement issu d’avis d’experts recueillis par l’OMS. Les DALY représentent, pour une année civile donnée, la somme des années de vie en bonne santé perdues en raison d’une incapacité ou de la maladie (Years Lost due to Disability ou YLD) et des années de vie perdues par mortalité prématurée (Years of Life Lost ou YLL). La mortalité prématurée ne concerne que les infarctus.

Formule mathématique de calcul des DALY
DALY = YLD + YLL = (1 x DW x D) + ((∑N x L) x PAF)
I : nombre de cas attribuables au bruit au sein de la population (pour chaque effet sanitaire considéré et chaque source de bruit).
DW : coefficient d'incapacité associé à l’effet sanitaire considéré.
D : durée moyenne d'incapacité exprimée en années. Pour les calculs, la durée est considérée égale à 1 car l’évaluation porte sur une année civile.
N : nombre de décès pour chaque classe d’âge en distinguant le sexe.
L : espérance de vie au moment du décès.
PAF (Population Attributable Fraction) : fraction des décès survenus à la suite d’un infarctus du myocarde attribuable au bruit.
Valeurs limites d’exposition au bruit en France
Les valeurs limites fixées par la France en application de la directive 2002/49/CE sont mentionnées dans le décret du 24 mars 2006 et l’arrêté du 4 avril 2006, relatifs à l’établissement des cartes de bruit et des plans de prévention du bruit dans l’environnement. Pour les sources de transport, elles sont les suivantes :
• bruit routier : Lden = 68 dB(A) et Ln = 62 dB(A) ;
• bruit ferré : Lden = 73 dB(A) et Ln = 65 dB(A) ;
• bruit aérien : Lden = 55 dB(A).

EXPOSITION AUX DIFFÉRENTS BRUITS DES TRANSPORTS

Bruitparif a compilé les cartes de bruit publiées par les 209 communes ou intercommunalités en charge de la mise en œuvre de la directive 2002/49/CE3 à l’échelle de l’agglomération parisienne. Cette première consolidation, achevée en 2014, a permis de quantifier les enjeux d’exposition au bruit. 22 % de la population de l’agglomération parisienne, soit environ 2,2 millions d’habitants, seraient ainsi potentiellement exposés à des niveaux de bruit en façade de leur habitation jugés excessifs au regard des valeurs limites réglementaires, toutes sources de bruit des transports confondues.

Exposition au bruit routier

La principale source de la pollution sonore dans l’environnement extérieur au sein de l’agglomération parisienne est la circulation routière (figures 1 et 2) :

  • 25,5 % des habitants de l’agglomération parisienne subiraient des nuisances liées au bruit routier supérieures ou égales à 65 dB(A) selon l’indicateur Lden.
  • 28,1 % seraient exposés à des niveaux supérieurs ou égaux à 55 dB(A) sur la période de nuit.
  • Au total, 17,1 % de la population de l'agglomération parisienne, soit 1 724 422 personnes, seraient exposées potentiellement au-dessus de la valeur limite réglementaire de 68 dB(A) selon l’indicateur Lden et 8,5 %, soit 862 701 personnes, seraient au-dessus du seuil de 62 dB(A) la nuit.

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Statistiques d’exposition au bruit routier de la population de l’agglomération parisienne (indicateur Lden).
Statistiques d’exposition au bruit routier de la population de l’agglomération parisienne (indicateur Lden).

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Statistiques d’exposition au bruit routier de la population de l’agglomération parisienne (indicateur Ln).
Statistiques d’exposition au bruit routier de la population de l’agglomération parisienne (indicateur Ln).

Exposition au bruit ferré

Concernant le trafic ferroviaire :

  • 3,7 % de la population de l'agglomération parisienne serait potentiellement exposée à des nuisances liées au trafic ferroviaire supérieures ou égales à 65 dB(A) selon l’indicateur Lden.
  • 5,6 % des habitants seraient exposés à des niveaux supérieurs ou égaux à 55 dB(A) sur la période de nuit.
  • 1 % des habitants seraient exposés à des niveaux supérieurs à la valeur limite réglementaire de 73 dB(A) selon l’indicateur Lden, correspondant à 100 467 personnes et 1,1 % des habitants, soit 114 378 personnes, seraient exposés à des niveaux nocturnes qui dépassent le seuil de 65 dB(A) selon l’indicateur Ln.

Exposition au bruit aérien

D’après les cartes de bruit aérien, 354 588 personnes au sein de l’agglomération parisienne seraient exposées à des niveaux sonores à l’extérieur de leur habitation qui dépassent la valeur limite réglementaire de 55 dB(A) selon l’indicateur Lden, ce qui représente 3,5 % de la population.

À l’échelle de l’Île-de-France, cela représente 382 251 habitants, soit 3,3 % de la population. Avec les mises à jour des plans de gêne sonore (PGS) des aéroports de Paris-Orly et de Paris-Charles-de-Gaule (CDG) en 2013, et l’élaboration de celui de Paris-Le Bourget en 2011, ces chiffres ont été réévalués et ce sont aujourd’hui 420 200 Franciliens qui vivent à l’intérieur des zones définies par les plans de gêne sonore, et dont les niveaux sonores excèdent 55 dB(A) selon l’indicateur réglementaire Lden.

IMPACTS SANITAIRES DU BRUIT DES TRANSPORTS DANS L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE

En utilisant les données disponibles à la commune (tant pour l’exposition au bruit que pour les indicateurs sanitaires), les équipes de Bruitparif et de l’ORS Île-de-France ont obtenu une première estimation des impacts sanitaires du bruit environnemental lié aux transports au sein de l’agglomération parisienne.

Troubles du sommeil

Au sein de l’agglomération parisienne, le nombre de personnes susceptibles d’avoir des troubles significatifs du sommeil (%HSD (Highly Sleep-Disturbed)) en fonction de leur niveau d’exposition nocturne au bruit des transports s’élève à 630 953 personnes (557 519 du fait du bruit routier, 65 178 du fait du bruit ferré et 8 156 du fait du bruit aérien), soit 6,2 % de la population.

Le coefficient d’incapacité préconisé par l’OMS pour les troubles du sommeil étant de 0,07, le nombre d’années de vie en bonne santé perdues du fait des troubles du sommeil liés au bruit environnemental des transports s’élève à 44 166 par an au sein de l’agglomération parisienne (39 033 du fait du bruit routier, 4 562 du fait du bruit ferroviaire et 571 du fait du bruit aérien).

Limite des indicateurs énergétiques pour l’estimation du bruit à caractère événementiel
Si les indicateurs énergétiques tels que Lden et Ln s’avèrent bien adaptés aux sources de bruit à caractère continu comme le bruit du trafic routier, ils ne suffisent pas à caractériser à eux seuls l’exposition de la population à des sources de bruit présentant un caractère événementiel, comme le trafic aérien ou le trafic ferroviaire.
Dans le cas du bruit aérien notamment, la prise en compte exclusive de ces indicateurs dans la méthode d’estimation des DALY proposée par l’OMS conduit vraisemblablement à minimiser le territoire affecté par le bruit aérien et les impacts induits pour les populations riveraines. En tenant compte des zones survolées à moins de 1 000 mètres dans au moins une configuration (vent d’est ou vent d’ouest) ou à moins de 2 000 mètres tout le temps, le nombre de Franciliens potentiellement affectés par les nuisances du trafic aérien avait ainsi été évalué à plus de 1,7 million d’habitants par Bruitparif, dans le cadre de l’étude Survol4.

Gêne

Au sein de l’agglomération parisienne, le nombre de personnes susceptibles d’être fortement gênées (%HA (Highly Annoyed)) en fonction de leur niveau d’exposition au bruit des transports selon l’indicateur Lden s’élève à près de 1,5 millions de personnes (1 168 322 du fait du bruit routier, 106 519 du fait du bruit ferré et 225 157 du fait du bruit aérien), soit de l’ordre de 14,8 % de la population.

Le coefficient d’incapacité préconisé par l’OMS pour la gêne étant de 0,02, le nombre d’années de vie en bonne santé perdues du fait de la gêne liée au bruit des transport s’élève à près de 30 000 par an au sein de l’agglomération parisienne (23 366 du fait du bruit routier, 2 130 du fait du bruit ferroviaire et 4 503 du fait du bruit aérien).

Infarctus du myocarde

Les études épidémiologiques menées au cours des dernières années ont mis en évidence une augmentation du risque d’infarctus du myocarde en lien avec l’exposition au bruit routier. L’impact du bruit du trafic aérien est pour l’instant moins évident. Très peu d’études ont été menées sur les effets cardio-vasculaires des autres sources de bruit environnemental, comme le bruit ferroviaire.

Pour chaque commune de l’agglomération parisienne, la morbidité liée au bruit en relation avec les infarctus du myocarde a été calculée à partir du nombre de cas d’incidents d’infarctus, du risque relatif de survenue d’un infarctus en lien avec le niveau d’exposition au bruit routier et de la distribution de la population dans les différentes classes de bruit en Lden.

Sur la base des chiffres qui ont pu être collectés ou estimés pour l’année 2008 (6 120 cas d’infarctus du myocarde non fatals et 1 767 décès pour l’infarctus du myocarde au sein de l’agglomération parisienne), le calcul des DALY liés aux infarctus du myocarde du fait de l’exposition au bruit routier a fourni une valeur de 755 années de vie en bonne santé perdues (686 en raison de l’incapacité engendrée par les infarctus du myocarde non fatals et 69 du fait d’une mortalité prématurée).

Troubles de l'apprentissage

Les données disponibles en termes d’exposition au sein de l’agglomération parisienne ne permettent pas de calculer la charge de morbidité liée au bruit en relation avec les troubles de l’apprentissage. Il faudrait en effet connaître la distribution de l’exposition au bruit de la population âgée entre 9 et 17 ans, donnée indisponible à l’heure actuelle.

Acouphènes

Ne disposant pas, pour l’agglomération parisienne, de données précises de prévalence des acouphènes, des valeurs européennes issues des travaux de Davis5 et Hannaford6 ont été utilisées. Ces valeurs sont données pour la population européenne âgée de 15 ans et plus, selon 3 stades de la maladie :

  • p1 : 3,4 % de cette population souffre d’acouphènes à un stade léger ;
  • p2 : 1,2 % à un stade modéré ;
  • p3 : 0,4 % à un stade sévère.

Avec une population âgée de 15 ans et plus de 8,18 millions, on peut ainsi estimer que 408 921 personnes souffriraient d’acouphènes au sein de l’agglomération parisienne (278 066 à un stade léger, 98 141 à un stade modéré et 32 714 à un stade élevé), ce qui porte à 515 le nombre d’années de vie en bonne santé perdues du fait des acouphènes liés au bruit des transports (sur la base de coefficients d’incapacité de 0,01 pour le stade léger et de 0,11 pour les stades modéré et élevé et d’une part de 3 % des acouphènes attribuables au bruit environnemental des transports).

Synthèse au niveau de l'agglomération parisienne

Au total, de l’ordre de 75 000 années de vie en bonne santé seraient perdues chaque année dans l’agglomération parisienne, du fait du bruit environnemental des transports.

Le principal effet sanitaire correspond aux troubles du sommeil, qui représente à lui seul plus de 44 000 années de vie en bonne santé perdues, soit 59 % des DALY. La gêne est le deuxième effet sanitaire, avec près de 30 000 années de vie en bonne santé perdues par an. Le reste est le fait d’infarctus ou d’acouphènes.

En générant 63 000 DALY, le bruit routier est responsable de 84 % des impacts, même si la méthode a tendance à minimiser ceux du bruit aérien (figure 3). Les troubles du sommeil associés au bruit routier représentent près de 52 % des années de vie en bonne santé perdues au sein de l’agglomération parisienne (tableau 1).

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Part des différents modes dans la morbidité du bruit des transports.
Part des différents modes dans la morbidité du bruit des transports.

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Morbidité du bruit des transports pour chaque effet sanitaire étudié.
Morbidité du bruit des transports pour chaque effet sanitaire étudié.

Extrapolation statistique pour une vie entière

En rapportant le nombre de 75 000 DALY par an à la population de l’agglomération (un peu plus de 10 millions d’habitants) et en tenant compte d’une espérance de vie moyenne de 81,65 ans, il est possible d’estimer la période de vie en bonne santé statistiquement perdue en cumul du fait du bruit environnemental des transports pour un individu moyen résidant toute sa vie dans l’agglomération parisienne. Le calcul donne le résultat suivant : 7,29 mois.

Cette valeur n’est bien sûr qu’une moyenne, les résultats à titre individuel pouvant varier entre 0 et deux ans environ en fonction du niveau d’exposition cumulé au bruit des transports et des facteurs de sensibilité propre de chaque individu au bruit.

RÉFÉRENCES

  1. Bruitparif et ORS Île-de-France, « Impact sanitaire du bruit des transports dans l’agglomération parisienne : quantification des années de vie en bonne santé perdues – Application à l’agglomération parisienne de
    la méthode de l’OMS pour la détermination de la morbidité liée au bruit », septembre 2015.

  2. OMS, « Burden of disease from environmental noise - Quantification of healthy life years lost in Europe », (« Charge de morbidité imputable au bruit environnemental : quantification du nombre d’années de vie en bonne santé perdues en Europe »), mars 2011.

  3. Directive 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement et décret n° 2006-361 du 24 mars 2006 relatif à l’établissement des cartes
    de bruit et des plans de prévention du bruit dans l’environnement.

  4. Bruitparif, « Étude Survol (Surveillance sanitaire et environnementale des plates-formes aéroportuaires de Roissy, Orly, Le Bourget) - Volet bruit », Rapport d’étape, Bruitparif, janvier 2011.

  5. A. Davis, « Hearing in adults, The prevalence and distribution of hearing impairment and reported hearing disability in the MRC Institute of Hearing Research’s National Study of Hearing », Nottingham, MRC Institute of Hearing Research, 1995.

  6. P.C. Hannaford et al., « The prevalence of ear, nose and throat problems in the community: results from a national cross-sectional survey in Scotland », Family Pratice, 2005.

  7. WHO Europe, « Environmental Noise Guidelines for the European Region », octobre 2018.

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