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Cerema Nord-Picardie

Marquages sonores routiers de type rumble strips
Évaluation acoustique et vibratoire
Philippe DunezChargé d’étude Acoustique et vibrations - Cerema Nord-Picardie

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Pour améliorer la sécurité routière sur leur réseau, les directions interrégionales des Routes (DIR) Méditerranée et Massif Central ont lancé l’expérimentation de dispositifs d’alerte sonore (DAS) de type engravure (rumble strips). Le suivi sur 3 ans des sections de routes concernées est assuré par le Cerema.

L'arrêté du 12 mars 2012 portant sur l’équipement des autoroutes de dispositifs d’alerte sonore en rive de chaussée est exécutoire depuis le 1er juillet 2012. Les routes sujettes à l’arrêté doivent être équipées au plus tard 10 ans après la publication de l’arrêté, soit en 2022.

Ces dispositifs ont pour fonction de réduire les accidents liés à l’hypovigilance des conducteurs.

Les directions interrégionales des Routes (DIR) Méditerranée et Massif Central souhaitent améliorer la sécurité routière sur leur réseau avec la mise en place de dispositifs d’alerte sonore (DAS) de type engravure (rumble strips). Elles ont lancé des expérimentations sur la RN 113 (Saint-Martin-de-Crau) et l’A75 (Séverac-le-Château).

Les équipes du Cerema ont pour mission d’étudier sur 3 ans les paramètres suivants :

  • l’implantation de DAS sur l’axe de la ligne de rive ;
  • le comportement des usagers de nuit ;

  • l’hypovigilance (acoustique et vibration) ;

  • l’alerte aux éventuelles personnes sur la bande d’arrêt d’urgence (BAU) (acoustique) ;

  • la gêne aux riverains (acoustique).

Les études acoustiques et vibratoires sont réalisées par le Cerema sur des DAS secs et mouillés. Les véhicules testés sont un véhicule léger, un poids-lourd et une moto.

MARQUAGES SONORES

Les VNTP (visibles de nuit et par temps de pluie) peuvent se transformer en marquage sonore du fait de protubérances initialement destinées à améliorer la perception visuelle de la route. Ces protubérances sont également appelées barrettes.

Le procédé consiste à déposer, sur les bords de la zone de roulement, une signalisation horizontale périodique de forte épaisseur. Celle-ci est constituée d’un enduit à froid amalgamé à des micro-billes, ce qui explique leur dénomination de bande sonore rugueuse de rive. La hauteur des barrettes varie de 12 à 15 mm, avec un objectif supérieur à 8 mm après 3 ans d’exploitation. Les conditions de viabilité hivernale sont des paramètres importants de leur durabilité (arrachage).

Les plots sont utilisés en complément des dispositifs décrits précédemment. Leur durabilité et leur effet sur la sécurité routière ne sont pas connus. De dimension 10 × 10 × 2 cm, ils sont fixés par collage. Ils sont considérés comme des dispositifs de type VNTP.

Les rumble strips sont aussi considérés comme des bandes sonores rugueuses de rive. Ils sont conçus pour produire des vibrations audibles et vibratiles. Il n’existe pas de guide ou de réglementation pour la réalisation de ces dispositifs. Les engravures en bordure de chaussée sont réalisées par fraisage de la couche de roulement, leurs largeurs et espacements sont variables suivant les sites (figure 1).

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Types de marquages utilisés par les DIR Méditerranée et Massif Central.
Types de marquages utilisés par les DIR Méditerranée et Massif Central.

Un espacement (e) de 300mm, assimilable à une longueur d’onde, a un impact direct sur les fréquences acoustiques et vibratoires mesurées :

avec F en Hz et la vitesse en m/s, soit le nombre d’engravures franchies en 1 seconde. (e) est assimilable à une longueur d’onde l, avec F = c/l, où (c) est la célérité.

Les fréquences attendues vont de 63 à 125 Hz selon la vitesse de circulation. Elles sont à la jonction des courbes de pondération A (acoustique) et Wk (vibration) (figure 2).

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Courbes de pondération A et Wk.
Courbes de pondération A et Wk.

RETOURS D’EXPÉRIENCES

Aux États-Unis

Le département des transports de l’État (Department Of Transport - DOT) de Virginie a mené une étude sur les engravures, comparant deux techniques :

  • La rumble strip-rolled consiste à réaliser des engravures à chaud par impression, à partir du rouleau de mise en œuvre du revêtement. Ces engravures ont une largeur de 2 inches (environ 5 cm).
  • La rumble-milled réalise les engravures par fraisage avec des engravures de 7 inches de large (environ 17,8 cm).

L’étude a montré l’efficacité de la technique par fraisage avec une augmentation à la fois du bruit de l’ordre de 335 % et des vibrations de 1 260 % et l’impact sur la diminution des accidents1.

Le DOT de l’État de Californie fait référence à une émergence acoustique de 13 dB(A) à l’intérieur du véhicule à 60 mph (96,6 km/h)2.

En France

Le tableau 1 reprend les résultats acoustiques obtenus sur des études antérieures menées par le Cerema.

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Émergences obtenues à l’intérieur d’un véhicule léger sur d’autres DAS et infrastructures.
Émergences obtenues à l’intérieur d’un véhicule léger sur d’autres DAS et infrastructures.

MÉTHODOLOGIE

Réglementation

Les mesures acoustiques sont principalement réalisées selon la norme NF P98-6503, avec des adaptations.

La méthodologie et les indicateurs ont été adaptés aux véhicules et sites d’essais (LAeqT, LAmax, LaccT, LaccmaxF) :

  • un véhicule léger (VL) type Scénic II, motorisation Diesel (Cerema NP) ;
  • un VL type Scénic I, motorisation essence (Cerema Centre-Est) ;
  • un poids lourd 2 essieux chargé à 14 tonnes (DIR) ;
  • des motos de type Yamaha 700 (PP13) et Virago 1000 (DDT Lozère).

Les mesures acoustiques extérieures sont réalisées selon la norme NF P98-650 complétée par la norme de mesure de bruit de roulement au passage (Statistical Pass-By)4 et la méthode LPC de mesure de bruit de roulement en continu (Close ProXimity)5.

Il n’existe pas de texte réglementaire correspondant aux essais vibratoires. La méthodologie a été développée par le Cerema spécifiquement pour ces études sur marquages sonores.

Application sur le terrain

La méthodologie mise en œuvre peut se décomposer en plusieurs éléments :

  • Les mesures acoustiques extérieures au droit des marquages sonores avec VL, PL (poids lourd) et 2RM (deux-roues motorisés) sont réalisées selon les normes de mesures sur le bruit de roulement au passage.
  • La gêne éventuelle aux riverains (normes de mesure sur le bruit routier NF S31-1206) est étudiée grâce à une ligne perpendiculaire à la voie de 3 points de mesures distants de 20 m.
  • L’évaluation de l’alerte des agents travaillant en aval de la route sur la BAU est réalisée avec 3 points de mesures distants de 20 m en bordure de voie.
  • Pour l’hypovigilance des conducteurs, un microphone est implanté au droit de l’oreille du conducteur. Un accéléromètre de type coussin est utilisé pour les vibrations du siège conducteur.
  • L’atténuation des vibrations dues au filtrage siège n’est pas évaluée pour le VL.
  • Un accéléromètre mono-axial est placé sur le volant ou le carde de la moto (photos 1).
  • Les mesures sont réalisées sur les DAS secs et mouillés (par arrosage).

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Instrumentation d’un VL avec des accéléromètres.
Instrumentation d’un VL avec des accéléromètres.
Cerema Nord-Picardie

En complément de ces essais et de l’étude sur la signalisation horizontale par EcoDyn (mesure des coefficients de luminance rétro-réfléchie des marquages), une approche par photogrammétrie est réalisée pour déterminer l’usure éventuelle des engravures.

ANALYSE DES RÉSULTATS

Le suivi sur 3 ans est en cours. Les résultats suivants correspondent aux essais effectués juste après la réalisation des marquages.

Caractérisation des sites d'étude

Les niveaux sonores mesurés sont synthétisés dans le tableau 2.

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Récapitulatif des niveaux sonores enregistrés à proximité des marquages.
Récapitulatif des niveaux sonores enregistrés à proximité des marquages.

Selon les vitesses, le site ou encore le véhicule en circulation, les émergences globales constatées vont de 5 à 11 dB(A), et même 20 dB(A) en émergence fréquentielle.

Alerte aux personnes en bord de chaussée/voisinage

Les essais sont réalisés sous circulation afin de reproduire au mieux une situation réelle.

Pour l’alerte aux personnes et pour le site de la RN 113, les niveaux sonores passent de 78 dB(A) à 70 dB(A) à 40 mètres du point de référence. Pour l’A75, les niveaux sonores sont plus importants : ils varient de 90 à 75 dB(A) selon la distance.

La possibilité d’alerte via les émergences attendues dépend du trafic véhicule journalier.

Le même type d’exploitation est réalisé pour les PL et 2RM.

La démarche est identique pour la gêne aux riverains. Sur l’A75, les niveaux sonores passent de 90 à 77 dB(A) à 20 mètres et à 72 dB(A) à 40 mètres du point de référence.

Hypovigilance

L’hypovigilance est caractérisée par le microphone au droit de l’oreille et deux accéléromètres pour le ressenti au niveau du siège et des mains sur le volant (ou cadre de moto).

L’une des difficultés de l’essai et de son analyse est de pouvoir rouler plusieurs secondes strictement sur les marquages. Les essais sont multipliés pour avoir un nombre suffisant de passages exploitables.

Les temps de passage analysés dépendent de la stabilité des pneumatiques sur les marquages.

Les résultats présentés concernent les VL. Les exploitations ont été menées également pour les PL et 2RM, et pour des DAS mouillés.

Les niveaux sonores constatés sont de l’ordre de 86 dB(A) à 110 km/h sur la RN 113 et 91,5 dB(A) sur l’A75. On retrouve les niveaux sonores plus élevés sur les marquages au droit de l’A75.

Les émergences vont de 14,5 à 18,5 dB(A) sur la RN 113.

Le type de siège et l’amortisseur associé s’il existe (cas des PL) affectent le comportement vibratoire. L’évolution des amplitudes maximales, à la fréquence dominante (Lacc,max,F), est comparable aux mesures effectuées en 2011 sur l’A1 et l’A26 par le Cerema NP. Les niveaux d’amplitudes diminuent avec la vitesse par un effet de « survolage » de la voiture sur les engravures avec une tendance à la hausse à plus grande vitesse, peut-être dû à un comportement vibratoire propre du véhicule (figures 3 et 4).

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Exemple d’exploitation par sonagramme.
Exemple d’exploitation par sonagramme.

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Résultats vibratoires du siège VL (RN 113).
Résultats vibratoires du siège VL (RN 113).

L’évolution en fonction de la vitesse et des niveaux vibratoires est différente pour le volant. Les niveaux d’amplitudes montent à plus de 6 m/s2 en bandes fines de fréquence, soit un facteur 10 par rapport au siège.

Photogrammétrie

La photogrammétrie utilise la parallaxe obtenue entre des images acquises selon des points de vue différents (vision stéréoscopique). Elle est utilisée pour reconstituer une copie 3D exacte à partir de cette différence de points de vue en exploitant les calculs de corrélation entre les images.

L’objectif est de pouvoir ensuite étudier l’usure des engravures sur 3 ans à l’échelle des granulats et de la mettre en corrélation avec les niveaux acoustiques et vibratoires. La photo 2 reprend une analyse photogrammétrique d’une coupe longitudinale de marquage sinusoïdal sur la RN 113.

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Coupe photogrammétrique sur 3 engravures.
Coupe photogrammétrique sur 3 engravures.
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Conclusions et perspectives

Les expérimentations présentées dans cet article sont reproduites annuellement sur 3 ans. Les études de pérennité sont en cours et doivent se terminer en 2019-2020.

Les essais de caractérisation de l’hypovigilance des conducteurs ont montré des résultats similaires aux campagnes expérimentales antérieures menées par le Cerema.

Les émergences acoustiques au droit de l’oreille sont de l’ordre de 15 dB(A) selon le VL et la vitesse considérée.
Pour le PL, l’émergence dépend de l’isolement acoustique de la cabine et des éléments susceptibles de bouger dans la cabine et dans la partie benne. L’émergence peut atteindre 3 à 4 dB(A) pour les classes de vitesses élevées.

Le comportement vibratoire non linéaire est confirmé. La composante vibratoire a un impact plus important à faible vitesse.

Les fréquences acoustiques et vibratoires sont tributaires de la géométrie du DAS (longueur d’onde proportionnelle à l’écartement entre deux engravures). Cette géométrie – à savoir l’écartement, le profil sinusoïdal ou droit, la profondeur et la largeur – joue sur l’effet physiologique recherché sur l’homme. En ce qui concerne les PL ayant des roues jumelées, la largeur des marquages influence directement les amplitudes acoustiques et vibratoires enregistrées. Pour les 2RM, il convient de regarder plus en détail les phénomènes de guidonnage.

Une analyse bibliographique plus approfondie des études américaines et européennes devrait conforter la méthodologie et ces résultats en vue d’une révision de la norme de mesure acoustique NF P98-650 de décembre 1993 et de la publication d’un guide plus général reprenant la partie vibratoire.

RÉFÉRENCES

  1. http://www.rumblestrips.com/technical-specifications/rolled-vs-milled/
  2. http://www.dot.ca.gov/env/noise/rumble-strips.html
  3. NF P98-650 « Signalisation routière horizontale – Marquages appliqués sur chaussées – Méthode de mesure des niveaux sonores émis par les marquages de chaussées », décembre 1993.
  4. NF S31-119-2 « Acoustique – Caractérisation in situ des qualités acoustiques des revêtements de chaussées –Mesurages acoustiques au passage – Partie 2 : procédure véhicule maîtrisé », décembre 2000.
  5. Mesure en continu du bruit de contact pneumatique/chaussée – Méthode d’essai des LPC n° 63.
  6. NF S31-120 « Acoustique - Caractérisation et mesurage des bruits de l’environnement - Influence du sol et des conditions météorologiques - Acoustique - Caractérisation et mesurage des bruits de l’environnement - Partie 2 : Influence du sol et des conditions météorologiques », décembre 2018.

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