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Vinci Autoroutes

Avant-propos
Éric OllingerChef du département Transition écologique, Doctrine et Expertise technique - DGTIM

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L'autoroute électrique (ou Electric Road System - ERS) est une technologie innovante qui pourrait, si elle arrive à maturité, contribuer à la décarbonation du transport routier. Après la publication des rapports de trois groupes de travail missionnés par la DGITM (direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités) pour explorer son potentiel, celui-ci se confirme, mais il subsiste des verrous technologiques que seul un démonstrateur peut lever.

Afin de contenir l’ampleur du réchauffement climatique à 1,5 °C, la France a pour objectif la neutralité carbone à horizon 2050. Pour les transports, cet objectif se traduit par une décarbonation complète des transports terrestres à cet horizon.

S’agissant des véhicules légers (VL), voitures particulières (VP) et véhicules utilitaires légers (VUL), l’électrification est la principale voie envisagée de décarbonation et elle est largement engagée depuis 2020 à la suite d’un règlement européen adopté dès 2009 et modifié en 2014.

S’agissant des poids lourds (PL), le règlement européen n° 2019/1242 impose aux constructeurs une réduction des émissions de CO2 des camions neufs vendus en 2030 de 30 % par rapport à 2020, sous peine de pénalités substantielles. Les principales solutions envisageables de décarbonation sont le biogaz, le biodiesel, l’électrique à batterie, l’hydrogène ou bien l’autoroute électrique – ou Electric Road System (ERS).

L’ERS consiste à alimenter en électricité – en continu ou par tronçons – les véhicules en mouvement sur une route ou autoroute. L’objectif est d’améliorer l‘autonomie (augmenter le rayon d’action) des véhicules sans les alourdir ni les renchérir par un volume de batterie trop important. Ceci est particulièrement important pour les poids lourds, et surtout les plus grands et lourds, pour lesquels la masse de batterie requise pour des autonomies raisonnables devient vite dissuasive.

Trois principales technologies d’ERS sont actuellement étudiées et proposées à des stades de prototypes industriels ou de pré-industrialisation : la conductivité aérienne (caténaire et pantographe), la conductivité par le sol (rail d’alimentation dans la chaussée ou en bord de voie) et l’induction (boucles inductives noyées dans la chaussée) (voir article « Solutions technologiques et conditions de déploiement »). Les véhicules doivent être équipés d’un système de captage de l’électricité qui dépend de la technologie (pantographe, patin ou système inductif) et d’un moteur électrique.

Alors que l'Allemagne et la Suède ont des démonstrateurs d’ERS sur route ouverte et que la Suède a décidé de construire d'ici 2025 la première autoroute électrique permanente (25 km entre Örebro et Hallsberg) et doit faire son choix technologique d'ici la fin d'année, la France est longtemps restée en retrait faute de consensus entre les acteurs.

Face à ce constat, la Direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (DGITM) a organisé, le 15 octobre 2020, un séminaire réunissant l’ensemble des acteurs (fournisseurs de solutions, constructeurs automobile, gestionnaires routiers, transporteurs, BTP, énergéticiens), à l’issue duquel il a été convenu de lancer trois groupes de travail pour explorer le potentiel de l’ERS :

  • un premier autour des enjeux socio-économiques, énergétiques et environnementaux, présidé par Patrick Pélata, ancien DG délégué de Renault, et co-présidé par Olivier Gavaud, DGITM ;
  • un deuxième autour des solutions techniques, des potentialités et des verrous, présidé par Stéphane Levesque, directeur de l'Union routière de France (URF), et co-présidé par Bernard Jacob, université Gustave Eiffel ;
  • un troisième autour de la recherche de la preuve, avec le point sur les expérimentations à date et l’opportunité d’un démonstrateur en vraie grandeur en France, présidé par Marc Gohlke, directeur du pôle CARA (European Cluster for mobility solutions, cluster de la Région Auvergne-Rhône-Alpes), et co-présidé par Nicolas Hautière, université Gustave Eiffel.

Après plus d’une cinquantaine de réunions qui ont offert l’opportunité à tous les acteurs d’exprimer et de confronter leurs points de vue, les groupes ont rendu leurs conclusions au ministre chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, le 20 octobre 2021, lors d’un comité ministériel pour le développement de l’innovation dans les transports (CMDIT).

Il en ressort que l’ERS présente un fort potentiel pour atteindre les objectifs de décarbonation du transport routier, mais aussi qu’il reste des verrous technologiques, listés dans les rapports, que seul un démonstrateur en France permettra de lever.

C’est pourquoi le ministre a lancé le jour-même, dans le cadre du PIA4, un appel à projets « Mobilités routières automatisées, infrastructures de services connectées et bas carbone » afin notamment de financer un ou des démonstrateurs d’ERS. La prochaine relève est prévue le 15 juin 2022 et nous espérons de beaux projets en réponse aux verrous identifiés.

Parallèlement, les rapports des trois groupes ont été traduits et suscitent un grand intérêt de la part de nos partenaires allemands et suédois. La France a donc apporté une première pierre à l’édifice, dans un contexte où le choix de déployer l’ERS ne pourrait s’envisager qu’à l’échelle européenne compte tenu des investissements nécessaires et des enjeux d’interopérabilité. Des échanges sont également prévus avec les autres États membres de l’Union européenne et avec la Commission européenne. À l’échelle mondiale également, PIARC s’intéresse de près à l’ERS et a constitué un groupe d’études dédié.

Ainsi, si, à date, aucune décision de déploiement n’est prise, les processus sont enclenchés pour lever les doutes et construire la décision à la bonne échelle.

Référence

Ministère de la Transition écologique, « Rapports des GT1, 2 et 3 sur le système de routes électriques », 2021.

 

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