Afin d’aider les acteurs de la construction routière à prendre en compte les objectifs de réduction des émissions de GES préconisés par la législation américaine, la NAPA a publié une feuille de route intitulée "The Road Forward" (« La voie à suivre »).
• L’adoption de technologies facilement disponibles et rentables peut l’aider à réduire sensiblement ses émissions de GES, mais d’importants efforts de recherche et de déploiement sont nécessaires pour atteindre la neutralité carbone.
• "The Road Forward" fournit un cadre de stimulation et de coordination des efforts de décarbonation de l’industrie.
Grâce à la loi sur les infrastructures, les investissements et l’emploi (IIJA) de 2021, à la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) de 2022 et à d’autres programmes nationaux, des allocations de fonds sans précédent pourront servir à financer la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’ensemble de l’économie américaine. Ces programmes insistent notamment sur la réduction des émissions de carbone liées à la construction et à l’entretien des chaussées et autres actifs d’infrastructures. Dans le cadre de l’IRA, 4,5 Md$ sont dédiés à la quantification et à la réduction des émissions de GES dans le secteur des matériaux de construction.
Les États-Unis comptent près de 4,6 millions de km de routes revêtues, dont plus de 94 % sont recouvertes d’enrobés bitumineux1. Ce réseau routier et autoroutier est entretenu par un parc d’environ 3 500 usines d’enrobage réparties dans tout le pays, qui a produit plus de 390 millions de tonnes d’enrobés en 20212.
L’industrie des revêtements en enrobés n’a eu de cesse d’innover pour limiter son impact environnemental, adoptant des pratiques, comme l’utilisation d’agrégats d’enrobés (AE) et des technologies d’enrobés tièdes qui abaissent les températures de production. En 2022, la National Asphalt Pavement Association (NAPA) a publié "The Road Forward" (figure 1), qui propose une vision et une mission à long terme pour les acteurs du secteur des revêtements bitumineux afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Cette feuille de route comporte quatre principaux objectifs correspondant aux périmètres de reporting du protocole sur les GES.
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Objectifs de la feuille de route de la NAPA
Atteindre la neutralité carbone pour la production d’enrobés d’ici 2050
Parmi les principaux facteurs de réduction des émissions figurent, dans le cadre de l’objectif 1 :
- l’utilisation de combustibles alternatifs et renouvelables ;
- l’application renforcée de technologies tièdes pour abaisser les températures de production des enrobés et la consommation de combustible ;
- l’amélioration des immobilisations au niveau des centrales d’enrobage afin d’accroître l’efficacité énergétique ;
- l’adoption de technologies logistiques de pointe pour accentuer l’efficacité du transport des matériaux des revêtements bitumineux.
Dans ce contexte, la NAPA s’efforce notamment d’aligner politique gouvernementale et spécifications des agences pour que l’industrie puisse adhérer à ces technologies et pratiques à moindres coûts.
Mettre en place une chaîne d’approvisionnement en matériaux zéro émission nette
L’objectif 2 s’attache à la réduction des émissions associées à la fabrication en amont des ingrédients des enrobés bitumineux, comme les liants et granulats. À cette fin, l’utilisation croissante des AE constitue un levier majeur. D’autres matériaux, tels que les liants bitumineux biosourcés, sont capables de prélever le dioxyde de carbone de l’atmosphère et de le piéger dans l’infrastructure de la chaussée.
L’approche Balanced Mix Design (BMD) pourrait permettre l’exploitation de ces nouveaux matériaux et de teneurs élevées en AE. En passant d’exigences volumétriques à des tests de performance, la BMD offre une opportunité d’innovation rapide sans sacrifier (voire en améliorant) la qualité et la durabilité de la chaussée.
Nouer des partenariats pour une réduction des émissions fondée sur des normes
Les gestionnaires de chaussées disposent de plusieurs solutions de réduction des émissions de GES s’appuyant sur des pratiques de conception et d’entretien des chaussées. Ainsi, la conception de chaussées « perpétuelles » rend inutile toute réparation structurelle, ce qui limite la fréquence et l’intensité des activités d’entretien ultérieures et fait donc baisser les émissions tout au long du cycle de vie des chaussées.
Les gestionnaires peuvent également diminuer les émissions de GES associées à la consommation de carburant des véhicules en préservant le bon état des routes et en optimisant les calendriers d’entretien pour que les chaussées restent lisses et que la résistance au roulement des véhicules soit, de ce fait, moindre.
L’adoption de calendriers évitant les fermetures de voies aux heures de pointe constitue une autre stratégie de réduction des émissions qui atténue la congestion des zones de travaux.
Dans le cadre de l’objectif 3, les efforts de la NAPA s’articulent autour de l’éducation des gestionnaires et des autres parties prenantes et du soutien aux initiatives de recherche et de déploiement.
S’approvisionner auprès de fournisseurs d’électricité renouvelable
L’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements des usines d’enrobé, comme les pompes, les turbines et les moteurs, peut réduire l’intensité électrique nécessaire à la production d’enrobés.
Grâce au partenariat de la NAPA avec le programme Energy Star de l’Agence américaine de protection de l’environnement, l’industrie routière bénéficie d’un accès à des outils et ressources qui favorisent l’efficacité énergétique. L’amélioration de cette efficacité sera cruciale pour limiter la pression sur le réseau électrique de l’électrification des camions, des matériels de construction routière et des processus thermiques des usines d’enrobés.
La NAPA présentera également aux acteurs de la construction routière les possibilités d’achat d’électricité renouvelable et défendra les politiques en faveur de la transition vers les énergies renouvelables.
Inventaire des émissions de GES aux États-Unis
En 2021, la NAPA a publié le premier inventaire des émissions de GES de la production d’enrobés bitumineux aux États-Unis. Ce rapport quantifie les émissions de GES "cradle-to-gate" (« du berceau à la porte », c’est-à-dire de l’extraction des matières premières à la porte de l’usine) de la construction routière pour la période 2009-2019. Au cours de cette décennie, l’intensité moyenne des émissions de GES de l’industrie est restée relativement stable (entre 55 et 57 kg de CO2eq par tonne d’enrobé), malgré une augmentation constante de l’utilisation d’AE. D’autres facteurs, comme la modification du mélange moyen de combustibles consommés par les usines d’enrobés, ont annihilé les avantages liés au recours à davantage d’AE.
Entre 2009 et 2019, la hausse constante de la production d’enrobés a accru les émissions "cradle-to-gate" totales de la construction routière d’environ 16 %, passant de 18,7 à 21,7 millions de tonnes en dix ans. Malgré cette augmentation, le choix de cette industrie de privilégier les AE et le gaz naturel comme combustible du brûleur (par rapport à l’ensemble du secteur industriel américain) a contribué à éviter 2,9 millions de tonnes d’émissions, démontrant l’importance de faire progresser ces pratiques (figure 2).
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Une analyse de scénarios a permis d’évaluer la réduction potentielle des émissions de la construction routière grâce à l’adoption de pratiques et techniques facilement accessibles. Pratiques prises en compte pour l’analyse (figure 3) :
- augmentation de la teneur moyenne en AE des enrobés de 21 à 40 % ;
- augmentation du pourcentage de gaz naturel utilisé comme combustible de 69 à 90 % ;
- réduction de la teneur en eau moyenne des granulats d’un point de pourcentage ;
- réduction de la température moyenne de production des enrobés de 22 °C ;
- réduction de l’intensité électrique de production des enrobés de 20 %.
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En accélérant le déploiement de ces techniques, la production américaine d’enrobés est en mesure de réduire ses émissions de GES "cradle-to-gate" de 24 % par rapport à la référence de 2019, ce qui équivaut à 5,2 millions de tonnes de CO2eq.
Pour soutenir cette transition, les politiques doivent évoluer vers des pratiques plus économes en énergie. Par exemple, l’adoption de l’approche BMD peut aider l’industrie à renforcer le recours aux AE et à d’autres matériaux recyclés. Pour garantir la compétitivité dans un contexte de soumissions basses, des coups de pouce économiques, tels que des crédits d’impôt, des abattements et des incitations au niveau des projets, peuvent contribuer à compenser la hausse du coût de l’amélioration des immobilisations et le coût différentiel d’autres techniques à faible émission de carbone.
D’importants efforts de recherche et de mise en œuvre seront nécessaires pour parvenir à une réduction plus ambitieuse des émissions de GES dans le cadre de l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 fixé dans "The Road Forward". Les priorités clés en la matière sont les suivantes :
- réduction des émissions en amont associées à la production de liants bitumineux, notamment découlant de l’extraction, très polluante, des sables bitumineux canadiens, couramment utilisés comme matière première des liants en Amérique du Nord ;
- utilisation potentielle de liants bitumineux et d’agents extendeurs de liants biosourcés à séquestration de carbone ;
- utilisation potentielle de granulats synthétiques à séquestration de carbone ;
- développement et déploiement de carburants alternatifs pour le transport par camion et d’autres activités de transport de matériaux ;
- exploitation de sources d’énergie alternatives pour la production des enrobés, dont les biocombustibles à faible émission de carbone et l’électricité pour les équipements de production de chaleur industrielle ;
- développement et déploiement de technologies de recyclage d’usines d’enrobés à froid et d’enrobés tièdes pour réduire encore la consommation de combustible des brûleurs.
