La route, support de la très grande majorité des déplacements à la fois professionnels et personnels en France, représente un enjeu essentiel pour le dynamisme des territoires. Il est donc nécessaire de la conserver dans l’état le plus optimal possible.
Les mobilités routières sont un vecteur essentiel à la plupart des activités des Français. De fait, hormis quelques métropoles où l’offre de transport en commun ferré autorise le report d’une partie du trafic routier vers des modes massifiés, l’immense majorité du territoire ne peut compter que sur la route pour ses déplacements, qu’ils soient professionnels, pour les loisirs ou simplement pour se nourrir.
Même là où l’utilisation de la voiture personnelle diminue, les besoins en mobilité routière restent forts, pour le transport de marchandises, le vélo ou les transports en commun routiers. Pour permettre à la route de servir au mieux les Français, il est important de la conserver dans l’état le plus optimal possible.
L’entretien des réseaux routiers : un enjeu majeur pour les gestionnaires
Ce n’est toutefois pas une sinécure que de maintenir un réseau routier de plus de 1,1 million de kilomètres dans un bon état, et ce d’autant plus qu’il n’a pas toujours été suffisamment ou correctement entretenu. Les décentralisations successives, qui ont créé des discontinuités dans les entretiens, des pertes de données et d’historiques ainsi que la disparition d’une partie du savoir-faire, ont accentué cette dégradation. Cependant les collectivités, qui sont aujourd’hui les principaux gestionnaires de réseaux routiers, ont bien pris conscience de l’importance de l’entretien de leur patrimoine pour les services qu’il rend à leur population.
L’enjeu du maintien des réseaux routiers en bon état a donc pris une place importante pour les collectivités qui cherchent à mettre en place une gestion patrimoniale de leurs infrastructures. Il apparaît en effet essentiel de les considérer comme un patrimoine qui doit être entretenu pour maintenir un bon niveau de service. Si les routes ont l’image d’un objet présentant une longue durée de vie, elles sont soumises à des contraintes de plus en plus importantes, liées notamment à l’intensité du trafic et des événements climatiques.
Leur gestion ne peut donc plus se faire au jour le jour et nécessite la mise en place d’une programmation à long terme de leur entretien fondée sur des critères objectifs et des financements dédiés.
La gestion patrimoniale : un atout pour les gestionnaires
La gestion patrimoniale des infrastructures peut aider à répondre à l’enjeu d’entretien du réseau tout en optimisant les coûts pour les gestionnaires. En effet, l’une des principales vertus de la gestion patrimoniale est d’éviter la constitution d’une « dette grise » sur le patrimoine routier.
Cette dette se constitue lorsqu’un sous-entretien chronique entraîne l’accumulation de dégradations qui rendront à terme la remise en état de l’infrastructure bien plus coûteuse que les entretiens réguliers qui n’ont pas été réalisés. Par la mise en place d’une gestion patrimoniale de ses infrastructures, le gestionnaire confirme son objectif d’éviter la constitution d’une « dette grise », à travers la programmation à long terme de l’entretien de son réseau routier.
De plus en plus de collectivités comprennent l’intérêt de la gestion patrimoniale de infrastructures routières et souhaitent mettre en place ce type de démarche, quelle que soit la taille du réseau dont elles s’occupent. Il apparaît alors important de rappeler les étapes nécessaires à la mise en place d’une gestion patrimoniale et ce qu’elles apportent :
- La connaissance de son patrimoine est le socle d’une bonne gestion patrimoniale. L’établissement de l’inventaire de ses infrastructures routières est la première étape pour construire une stratégie de gestion patrimoniale. Il faut pour cela que les gestionnaires collectent et agrègent des données pour identifier, localiser et caractériser leur patrimoine (linéaires de chaussée, surfaces de tablier, liste des équipements…). Ces données devront être actualisées régulièrement pour tenir à jour l’historique des événements et des actions qui surviennent lors de la vie des différents éléments du patrimoine. Ces éléments de connaissance sont autant de critères qui aident à déterminer les niveaux de service optimaux pour chaque partie du réseau.
- La connaissance de l’état des infrastructures et de son évolution dans le temps est essentielle à la gestion patrimoniale, car elle aide à la fois à déterminer les objectifs de la stratégie d’entretien et à évaluer les politiques de gestion pour éventuellement les faire évoluer. Afin de réaliser ce suivi, les maîtres d’ouvrage assurent une surveillance continue et programmée des chaussées et des ouvrages d’art. Pour cela, ils peuvent s’appuyer sur des méthodes standardisées.
- La connaissance de son patrimoine et de l’état de celui-ci permet au gestionnaire de définir une politique de gestion à l’échelle du réseau. Deux notions devraient guider les gestionnaires dans la définition de cette politique : d’une part, la connaissance des modes de dégradation du patrimoine et des solutions d’entretien adaptées, qui dépendent du type de patrimoine, de son état et du niveau de service visé ; d’autre part, l’analyse coût/bénéfice, notamment en évaluant les impacts (financiers et techniques) d’un retard d’entretien.
- La dernière étape d’une gestion patrimoniale consiste à adapter sa politique de gestion à l’évolution de l’état de ses infrastructures. Le patrimoine routier est un objet dynamique, qui ne va pas nécessairement évoluer comme cela était prévu et qui peut être victime d’aléas imprévisibles. Il est donc nécessaire de réévaluer sa politique de gestion pour l’adapter à l’évolution constatée de son patrimoine.
Un observatoire au service des gestionnaires routiers
La promotion de la gestion patrimoniale des infrastructures routières est l’une des principales missions de l’Idrrim (Institut des routes, des rues et des infrastructures de mobilité), association regroupant l’ensemble des acteurs des infrastructures de mobilité. C’est pourquoi l’Institut a lancé l’Observatoire national de la route (ONR) en 2016 en s’associant avec l’État, l’Assemblée des départements de France (ADF), Intercommunalités de France, Routes de France et le Syndicat national des entrepreneurs spécialités des travaux de réparation et de renforcement des structures (Strres).
Cette démarche a pour double finalité de partager les connaissances pour évaluer l’efficacité des politiques techniques pour une gestion économe des réseaux routiers et d’objectiver l’état du réseau routier afin d’aider les décideurs et les acteurs de la route à optimiser sur le long terme la gestion du patrimoine dont ils ont la charge. Elle se concrétise par la publication annuelle, depuis 2017, d’un rapport présentant des références sur l’état et l’évolution des différents réseaux routiers.
La démarche de l’ONR vise à collecter des données auprès des gestionnaires sur la consistance et l’état du patrimoine routier, ainsi que sur les dépenses réalisées pour l’entretien des réseaux. Depuis six ans, l’ONR mène une enquête annuelle auprès de l’État, des départements et des métropoles pour collecter ces données et produire un état des lieux de la gestion de ces réseaux.
La collecte des données se fait auprès des collectivités territoriales via un outil en ligne dans lequel les gestionnaires peuvent renseigner leurs données pendant l’été. Les informations demandées sont d’ordre financier (fonctionnement, investissement, grosses réparations…), technique (méthodes de gestion, âge des chaussées, état des infrastructures…) et de ressources humaines. La participation se fait sur la base du volontariat. Le niveau annuel de participation est aujourd’hui relativement stable : entre 65 et 70 départements et une dizaine de métropoles. Les informations relatives au réseau routier national s’appuient sur les données rendues publiques sur le site du ministère en charge des routes nationales ainsi que sur des échanges avec les services de l’État, les données demandées étant les mêmes que celles des collectivités.
Ces données alimentent chaque année la production d’un rapport public à destination des gestionnaires. Les rapports de l’ONR présentent ainsi des indicateurs dédiés aux différentes collectivités ayant répondu, selon certaines typologies (strates de population, départements de montagne…). Ces rapports sont complétés par deux autres plus spécifiques, consacrés aux départements et aux métropoles pour leur proposer des analyses plus fines.
La dernière édition du rapport de l’ONR, publiée en novembre 2022, apporte de nombreux éclairages sur les réseaux routiers. Elle montre notamment :
- une croissance continue des investissements dans la voirie depuis quelques années ;
- une augmentation des dépenses de grosses réparations sur les chaussées comme sur les ouvrages d’art ;
- une légère amélioration de l’état des chaussées.
Les multiples indicateurs proposés dans le rapport alimentent la réflexion des gestionnaires sur leur politique de gestion et font notamment apparaître les différences parfois importantes qui peuvent exister entre les gestionnaires.
L’intérêt de l’ONR réside aujourd’hui tout autant dans le fait qu’il propose des références aux gestionnaires que dans le fait qu’il les aide à mettre en place une centralisation des données (financières, techniques et de ressources humaines) liées à la voirie, ce qui présente différents intérêts :
- La mise en commun de données gérées par différents services offre aux gestionnaires la possibilité d’avoir une meilleure vision de leur politique de voirie.
- Cette connaissance fine permet aux services en charge des routes de prendre de la distance pour établir leur politique de gestion, alors qu’ils sont souvent concentrés sur leurs missions quotidiennes.
- Les données claires et concrètes peuvent les aider à défendre le budget nécessaire à leur politique de gestion.
• Dans un contexte budgétaire de plus en plus restreint pour les collectivités territoriales, la gestion patrimoniale est essentielle, car elle contribue à limiter la dégradation du patrimoine et à programmer les investissements à long terme. Cette programmation évite une stratégie d’entretien au fil de l’eau qui peut provoquer une accumulation de « dette grise ».
• Les outils et méthodes favorisant la mise en place d’une démarche de gestion patrimoniale, aujourd’hui nombreux, devraient permettre aux gestionnaires de gérer leur patrimoine de la façon la plus efficiente.