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Sols traités aux liants hydrauliques - Synthèse de l'étude d'une procédure d'essais accélérés en laboratoire
Sébastien HervéChef de groupe Géotechnique - Cerema Angers, Thibaut LambertResponsable d’activité Terrassements - Cerema Strasbourg, Michel CollobertChargé d’études Géotechnique - Cerema Angers, Joseph AbdoConsultant, Mathieu PréteseilleChargé d’études Terrassements - Cerema ITM

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L’accélération de la prise des sols traités aux liants hydrauliques par des conditions de température élevée est un phénomène bien connu des terrassiers. Cette propriété a été utilisée pour étudier une procédure d’essais accélérés en laboratoire pouvant être appliquée aux chantiers de faible importance. Après une première phase de tests menée entre 2016 et 2018 sur 3 sols, l’ajout de 6 nouveaux sols entre 2019 et 2021 a permis de consolider le protocole proposé.

PRÉSENTATION DE LA DÉMARCHE

Le traitement des sols à la chaux et/ou aux liants hydrauliques routiers (LHR) est une technique maîtrisée, parfaitement codifiée et utilisée depuis de nombreuses décennies avec succès. Cette technique est communément employée pour rationaliser le coût des infrastructures de transport et pour valoriser au maximum les matériaux rencontrés dans l’emprise d’un projet. 

La méthodologie de référence de dimensionnement des couches de forme traitées, développée dans le guide technique Traitement des sols à la chaux et/ou aux liants hydrauliques1 (GTS), définit des études de formulation de niveaux 1 à 3, en fonction du degré de précision et de conception recherchée pour le projet, qui contribuent à déterminer des solutions optimisées vis-à-vis de la valorisation des matériaux du projet.

Ces études s’appuient notamment sur la mesure des performances mécaniques E/Rt (module élastique / résistance en traction) susceptibles d’être attendues à long terme pour déterminer la classe mécanique du matériau traité. Ces valeurs sont établies après un temps de cure de 90 jours à 20 °C. Cette démarche requiert un phasage adapté entre les études et les travaux, car elle nécessite une durée minimum de 3,5 à 4 mois pour l’étude en laboratoire. 

Pour certains projets de faible importance, les délais dont disposent les entreprises pour répondre aux appels d’offres sont courts, et donc pas toujours compatibles avec cette durée, a fortiori quand la solution « traitement » n’a pas été envisagée en amont du marché. 

Le GTS propose des solutions de traitement sans essais autres que la caractérisation GTR des matériaux2, avec des liants normalisés (ciments CEM II/A 32,5 ou CEM II/B 32,5) et des dosages élevés. Ces formulations excluent toutefois les LHR, sauf à disposer de chantiers et de sols justifiant des performances similaires.

Dans les faits, ces modalités sont rarement mises en œuvre, car les maîtres d’œuvre sont réticents à accepter des solutions de traitement sans essais permettant de justifier les performances mécaniques visées. En outre, l’usage des ciments proposés ne correspond pas, ou rarement, à la fourniture des produits de traitement réellement employés.

L’essai d’évaluation de l’aptitude d’un sol au traitement3 est, quant à lui, parfois utilisé pour justifier une solution de traitement de petits chantiers, en considérant – à tort ou à raison – que les résistances obtenues soient conformes aux performances d’une étude de formulation du GTS. Toutefois, la norme de cet essai précise bien que ces résultats ne sont pas utilisables pour procéder au dimensionnement d’une structure incluant des matériaux traités.

Dans ce contexte, le Cerema, Routes de France, le Syndicat professionnel des terrassiers de France (SPTF), Cimbéton, l’Union des producteurs de chaux (UP’Chaux) et la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) se sont associés pour étudier une procédure d’essais accélérés en laboratoire, adaptée aux chantiers de faible importance. Cette procédure vise à réduire le délai de cure de 90 jours en augmentant la température de cure à 40 °C afin d’accélérer la prise hydraulique.

L’étude s’est déroulée en deux phases : 

  • la phase I : de 2016 à 2018 sur 3 premiers sols ; 
  • la phase II : de 2019 à 2021 sur 6 autres sols.

L’expérimentation a associé 9 laboratoires, dont 4 laboratoires du Cerema (Angers, Autun, Nancy et Strasbourg) et 5 laboratoires privés (Bouygues TP, Colas Est, Eiffage Infrastructures, Eurovia et Sigma Béton).

CHOIX DES SOLS ET DES LIANTS

Neufs sols ont été testés pour couvrir une large gamme de matériaux représentatifs de classes du GTR usuellement utilisées en couche de forme traitée  (figure 1) :

  • A1 : limons A1 du chantier RCEA (Route Centre Europe Atlantique) ;
  • A2 : argiles A2 d’Obourg (Belgique) ;
  • B5 : sables B5 de scalpage Urano (Ardennes) ;
  • S1 : arène granitique sableuse B5 de la déviation de Saint-Michel-Mont-Mercure (Vendée) ;
  • S2 : sables argileux pliocène B5 limite B3, de la déviation de Lussac (Vienne) ;
  • S3 : argiles A2 de Claye-Souilly (Seine-et-Marne) ;
  • S4 : loess A1 de Strasbourg (Bas-Rhin) ;
  • S5 : limons A1 de la RN 27 à Dieppe (Seine Maritime) ;
  • S6 : grave alluvionnaire B4 Ludiès (Ariège). 

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Classe des sols testés.
Classe des sols testés.

Les liants retenus pour cette étude sont également bien différenciés :

  • L1 : liant hydraulique, base laitier courant : [K30 S70] DN ;
  • L2 : liant hydraulique, base clinker à prise normale : [K70 L30] DN ;
  • L3 : liant hydraulique, base clinker à prise rapide : [K70 L30] DR ;
  • L4 : liant hydraulique, base laitier spécifique : [S60 K20 L20] DN.

Ces liants ont été utilisés suivant trois dosages : deux traitements avec le liant pur à 4 % (noté d4) et à 6 % (d6) et un traitement mixte à 1 % chaux et 4 % de liant (d5). La chaux utilisée est une chaux vive pulvérulente de classe CL90R4P2.

Chaque sol a ainsi été testé suivant 12 configurations, couvrant une large gamme de traitement depuis des combinaisons très performantes, avec ou sans cinétique rapide et, à l’inverse, d’autres conduisant à des performances plus faibles. Au final, 108 configurations « sol - produit de traitement » ont pu être testées à différents âges à 40 °C, pour les comparer aux valeurs obtenues à 20 °C. Pour fiabiliser la représentativité des résultats, chaque série d’essais a été doublée pour une vérification croisée entre deux laboratoires indépendants. En cas de divergence entre deux laboratoires, une troisième série d’essais a été refaite pour écarter la série aberrante. 

PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL

La confection des éprouvettes de sols traités et leur conservation ont été conduits suivant un cahier des charges commun, afin de réduire les facteurs d’incertitude des valeurs mesurées.

Les sols ont été testés sur leur fraction 0-6,3 mm pour constituer des éprouvettes de 50 x 50 mm. Le Cerema a confectionné en parallèle des éprouvettes en 100 x 100 mm, pour déterminer un éventuel effet des dimensions sur les résultats E et Rt.

Les caractéristiques de compactage ont été établies à partir des références Proctor normal des sols traités, en retenant une masse volumique correspondant à 96 % de γdOPN et une teneur en eau W  = WOPN + 1 par configuration de traitement (= 1 sol / 1 liant / 1 dosage). Une attention particulière a été portée aux conditions de malaxage pour garantir la qualité de la mouture : choix de couteaux neufs, masses minimales par gâchée, homogénéisation, durée minimale. 

En s’appuyant sur les résultats des essais d’aptitude préliminaires, une période de repos de 24 h à 20 °C en atmosphère saturée a été retenue avant les cures à 20 °C et 40 °C. Après cette période de repos, les éprouvettes ont été conservées soit en étuis fermés étanches en bain thermostaté (photo 1) de sorte à prévenir tout contact direct avec l’eau (au contraire des éprouvettes d’un essai d’aptitude), soit en enceinte thermostatique à hygrométrie contrôlée.

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Éprouvettes 50 x 50 mm en étuis fermés étanches dans un bain thermostaté. Pour les besoins de la photographie, l’agitateur a été temporairement arrêté.
Éprouvettes 50 x 50 mm en étuis fermés étanches dans un bain thermostaté. Pour les besoins de la photographie, l’agitateur a été temporairement arrêté.
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Un premier tri des résultats a été appliqué en écartant les valeurs variant de plus de 20 % par rapport à la moyenne d’une série de 3 éprouvettes. Si, malgré cela, les performances obtenues par les binômes de laboratoire travaillant sur la même configuration étaient trop différentes, une troisième série d’éprouvettes a été refaite pour vérification.

Au final, toutes configurations et dimensions confondues et en intégrant environ 15 % de reprises, plus de 8 530 éprouvettes ont été testées sur les deux phases.

INFLUENCE DES DIMENSIONS SUR LES RÉSULTATS

L’influence des dimensions des éprouvettes a été étudiée lors de la phase I. L’article publié dans la RGRA en mai 20194 a présenté l’analyse statistique des valeurs comparées obtenues sur des éprouvettes de dimensions « Hauteur/Diamètre » de 50 x 50 mm, 50 x 100 mm, 100 x 100 mm et 100 x 200 mm.

Les principaux enseignements suivants ont été tirés :

  • Pour les résistances :
    - Les valeurs mesurées en Rit sont globalement peu sensibles aux dimensions.
    - La dispersion est de l’ordre de 10 à 13 % pour un intervalle de confiance de 80 %.
  • Pour les modules :
    - La dispersion est fonction de la taille de l’éprouvette et du mode de mesure  : ±15  % pour les 50 x 50 mm et ±9 % pour les 100 x 100 mm en traction indirecte, ±13 % pour les 50 x 100 mm et ±8 % pour les 100 x 200 mm en compression simple, pour un intervalle de confiance de 80 %. L’augmentation de la taille d’une part et de la mesure en compression d’autre part réduisent la dispersion.
    - Un écart entre les mesures en compression Ec et les mesures en traction indirecte Eit est constaté. Il est de l’ordre de 7 % (Eit = 1,066 Ec) pour les sols étudiés, avec une dispersion de ± 20 % par rapport à la droite de régression.

ÉVOLUTION DES RÉSISTANCES ET DES MODULES À 20 °C ET 40 °C

Les résistances mesurées en traction indirecte (Rt = 0,8 Rit et E = Eit) ont été comparées à différents âges, après les cures à 20  °C et 40  °C (figure 2). Pour l’ensemble des configurations, l’analyse statistique des données a montré une évolution des résistances et des modules s’ajustant à une régression semi-logarithmique sur les plages d’âges testées : 
Rit ou Eit = a + b × log (t)

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Évolution des résistances à 20 °C et 40 °C – Cas A1 L3 d5.
Évolution des résistances à 20 °C et 40 °C – Cas A1 L3 d5.

Ce calage a réduit la dispersion observée entre les valeurs d’essais brutes, même si celle-ci reste élevée pour les modules. Par la suite, les valeurs de référence E/Rt à 20 °C – 90 jours ont donc été retenues à partir de la droite de régression.

La comparaison des valeurs obtenues à 20 °C et à 40 °C a également permis de déterminer, pour chaque configuration de traitement, un âge de correspondance à 40 °C par rapport aux valeurs de référence de résistance et de module à 90 jours  – 20 °C (segment vert de la figure 2). L’analyse de ces valeurs a montré qu’il n’existait pas d’âge de correspondance unique : dans 70 % des cas, celui-ci se situe entre 10 à 16 jours, variable suivant chaque couple « sol / liant » considéré. 

Pour apprécier l’évolution des performances des sols traités chauffés en fonction du temps, le graphe de la figure 3 reporte le ratio entre les valeurs moyennes établies à 20 °C – 90 jours et celles mesurées à 40 °C aux différents âges (t) et configurations, avec : 

  • en abscisse : le rapport E (40 °C – t) / E (20 °C – 90 jours), en pourcentage ;
  • en ordonnée  : le rapport Rt (40  °C – t) / Rt (20 °C – 90 jours), en pourcentage.

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Comparaison des performances E et Rt à 20 °C et à 40 °C.
Comparaison des performances E et Rt à 20 °C et à 40 °C.

Cette représentation montre que : 

  • Les résultats issus des régressions semi-logarithmiques et ceux correspondant aux données brutes suivent des tendances d’évolution similaires, ce qui se traduit par un alignement des points verts (régression) et bleus (données brutes).
  • L'ensemble des points s’ajuste à une droite de tendance présentant un coefficient de corrélation élevé : R² = 0,9923.
  • Vis-à-vis du paramètre de résistance Rt, l’âge de cure de 14 jours est le plus proche d’un ratio moyen Rt (40 °C) / Rt (90 j – 20 °C) de 100 %, en considérant la moyenne des données brutes et des régressions. La dispersion autour de ce point reste toutefois importante, avec une erreur type de ±15 %. 
  • La droite de tendance est décalée de 10 % sur l’axe des abscisses représentant les modules. Ainsi, pour un âge de cure de 14 jours, une correction de 1,10 est à appliquer sur les modules pour obtenir une valeur moyenne comparable à celle mesurée à 90 jours – 20 °C.

La durée de cure de 14 jours représente ainsi la meilleure équivalence entre les performances Rt à 20 °C et à 40 °C. Une correction de 10 % est à appliquer sur le module. Pour autant, la dispersion autour de cette moyenne reste élevée. L’analyse a donc été complétée pour caractériser son effet dans l’exploitation des résultats et sa prise en compte dans le cas d’une couche de forme traitée.

DÉFINITION D’UN CRITÈRE DE FAISABILITÉ POUR LES COUCHES DE FORME TRAITÉES

Les études de formulation du GTS visent à vérifier les critères de dimensionnement des couches de forme traitées, particulièrement la détermination de la classe mécanique escomptable à long terme pour le mélange « sol – produit de traitement » envisagé. Cette classe est définie à partir du graphe des zones mécaniques de la norme NF P 94-102-15.

Lors de la première phase de l’étude (2016-2018), il a été établi que l’on ne pouvait pas définir une correspondance stricte entre les zones mécaniques déterminées à 20 °C – 90 jours et celles obtenues à 40 °C – 14 jours. En revanche, l’écart restait majoritairement faible (75 % de cas inférieurs à une demi-zone et à 92 % pour une zone). Il a en outre été observé une intéressante convergence des performances à long terme entre les valeurs à 360 jours – 20 °C et celles à 90 jours – 40 °C. Cela a conduit à proposer un critère de faisabilité reposant sur l’obtention d’une zone mécanique minimale commune (encadré).

Critère de faisabilitéL’obtention d’une zone 4 minimum à 14 jours – 40 °C permet de vérifier une zone mécanique 4 à 90 j – 20 °C, c’est-à-dire une classe 5 pour le dimensionnement d’une couche de forme traitée. Si la zone obtenue à 14 jours – 40 °C est inférieure (zone 5 ou hors zone), l’obtention de la zone 4 à 20 °C ne peut pas être garantie. 

Cette condition n’est pas optimisée, puisque, dans certains cas, ce critère peut s’avérer défavorable, conduisant à une zone moindre que celle qui aurait été obtenue par des essais à 90 jours – 20  °C. Cependant, elle répond à l’objectif d’étude d’un petit chantier, qui ne nécessite pas une optimisation d’épaisseur ou de dosage.

À l’inverse, cette procédure ne peut pas valider des performances plus élevées (classe 4, par exemple), qui doivent être confirmées par une étude de niveau 1 ou supérieur du GTS.

La figure 4 explicite les différents cas observés par rapport à ce critère lors des deux phases de l’expérimentation. 

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Comparaison des performances à 20 °C et 40 °C suivant le critère de zone mécanique minimum.
Comparaison des performances à 20 °C et 40 °C suivant le critère de zone mécanique minimum.

Le critère de faisabilité ainsi défini s’est avéré satisfait pour 100 % des configurations des essais de phase I et 94 % des essais de phase II. Il correspond aux cas suivants :

  • Cas 1 : les performances obtenues à 20 °C et à 40 °C se situent toutes deux au-dessus de la limite zone 4 / zone 5. La formulation testée peut être validée en retenant une classe mécanique 5. 
  • Cas 2 : les performances obtenues à 20 °C et à 40 °C se situent toutes deux au-dessous de la limite zone 4 / zone 5. La formulation testée ne peut pas être validée.
  • Cas 3 : la performance obtenue à 40 °C se situe au-dessous de la limite zone 4 / zone 5.

Malgré l’obtention d’une zone 4 ou plus à 20° C, l’essai accéléré ne contribue pas à valider la formulation testée. L’essai chauffé est alors défavorable.

En phase II, 6 % des essais réalisés n’ont pas satisfait ce critère, correspondant à la configuration suivante :

  • Cas 4  : la performance obtenue à 40  °C est au-dessus de la limite zone 4 / zone 5, mais celle à 20 °C se situe au-dessous. L’essai accéléré conduirait alors à obtenir des performances plus favorables que celles obtenues pour la valeur de référence à 20 °C, ce qui n’est pas acceptable vis-à-vis de la sécurité. 

En pratique, le cas 4 peut être illustré par les deux situations suivantes (le triangle rouge correspond au couple E/Rt obtenu à 14 jours – 40°C ; le carré bleu à 90 jours – 20 °C) :

  • Situation 1 (figure 5a)  : les valeurs E et Rt obtenues à 40 °C sont très faibles, E < 1 000 MPa et Rt < 0,10 MPa. Même si ces valeurs se situent en théorie dans une zone mécanique plus élevée que celle obtenues à 20 °C, par extension des courbes limites, elles ne répondent pas aux performances minimales attendues pour une couche de forme. On se retrouve alors au cas 2 : la formulation testée ne peut pas être validée. 
  • Situation 2 (figure 5b) : les valeurs obtenues à 20 °C et à 40 °C se situent juste de part et d’autre de la limite zone 4 / zone 5. Cette limite constitue ainsi un « effet de seuil ».

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Exemples de cas « 4 » ne respectant le critère  de zone mécanique minimum.
Exemples de cas « 4 » ne respectant le critère de zone mécanique minimum.

Dans l’exemple présenté, l’écart est très faible pour les résistances. Il est plus important pour les modules : E = 2 100 MPa à 40 °C et 3 100 MPa à 20 °C.

En considérant l’imprécision attachée à la mesure de ce paramètre, de l’ordre de ± 15 %, les deux points pourraient facilement se trouver dans la même zone.

En écartant les cas correspondant à la situation 1 (E < 1000 MPa et Rt < 0,10 MPa), le nombre d’essais ne satisfaisant pas au critère de zone minimale défini représente 3 % des configurations testées, toutes phases confondues. En outre, ils correspondent systématiquement à la situation 2 : les valeurs à 20 °C et à 40 °C sont très proches, mais séparées par la limite zone 4 / zone 5. Pour une vérification du critère défini dans 100 % des cas, il a été nécessaire d’introduire un coefficient de sécurité sur les valeurs obtenues.

INTÉGRATION DE COEFFICIENTS DE SÉCURITÉ

La figure 6 présente la répartition par zone mécanique des sols traités après une cure de 14 jours à 40 °C pour l’ensemble des configurations testées en phases I et II. Le code couleur attaché à ces points correspond à la zone mécanique de la formulation d’origine à 20 °C – 90 jours : 

  • zone 2 = vert ;
  • zone 3 = jaune ;
  • zone 4 = orange ;
  • zone 5 = violet ;
  • hors zone = noir.

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Répartition des formulations testées après une cure  de 14 jours à 40 °C.
Répartition des formulations testées après une cure de 14 jours à 40 °C.

Si la majorité des points restent dans leur zone d’origine, on observe que le chauffage conduit à une dispersion d’environ un tiers des formulations qui changent de zone. Compte tenu de l’approche en zone minimale 4 retenue, seuls les points initialement en zone 5 ou hors classe à 20 °C, et qui se trouvent après chauffage en zone 4 ou supérieure, posent un problème. Il s’agit des 7 points noirs et violets situés au-dessus de la limite « zone 4 / zone 5 » figurée en rouge sur la figure 7.

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Répartition des formulations testées avec une cure de 14 jours à 40 °C.
Répartition des formulations testées avec une cure de 14 jours à 40 °C.

Pour obtenir 100 % des points conformes au critère défini, il est nécessaire d’appliquer un coefficient de sécurité de 10  % sur la résistance Rt et sur le module E (lui-même déjà corrigé par le coefficient de calage de 1,10), soit : 

  • une réduction de 10  % sur la résistance : Rtcorrigé = 0,90.Rt ;
  • une majoration de 20  % sur le module  : Ecorrigé = 1,10 x (1,10.E) = 1,20 E.

L’application de ces coefficients conduit aussi à « déclasser » 18 % des configurations qui se situaient en zone 4 ou supérieures à 20 °C, et qui se trouvent désormais sous la limite zone 4 / zone 5 (donc présumées ne pas autoriser le traitement en appliquant le critère de zone minimale 4 à 40 °C) (figure 8).

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Points en zone mécanique 2, 3 ou 4 à 20 °C déclassés en zone 5 ou hors zone par la procédure accélérée, après application des coefficients de sécurité et de calage.
Points en zone mécanique 2, 3 ou 4 à 20 °C déclassés en zone 5 ou hors zone par la procédure accélérée, après application des coefficients de sécurité et de calage.

L’application des coefficients de calage et de sécurité définis conduit ainsi à une approche prudente par rapport à l’étude classique à 20 °C.

Ces points « déclassés » correspondent fréquemment à des configurations de faibles dosage (d4). Leurs performances seraient toutefois acceptables avec une étude classique à 20 °C. 

La zone 5 peut alors être considérée comme une zone intermédiaire, comprenant une proportion non négligeable de formulations douteuses au regard de la procédure d’essais accélérés par chauffage : la combinaison « sol / liant » étudiée y présente une bonne probabilité de faisabilité du traitement, mais le dosage testé ne peut pas être considéré comme satisfaisant par rapport au critère défini. 

Pour les points situés dans cette zone 5, il est alors conseillé d’étudier un dosage plus élevé et/ou intégrant de la chaux pour une solution de traitement mixte. Avec ce nouveau dosage, le critère d’acceptabilité du traitement reste l’obtention a minima d’une zone 4.

ANALYSE DU CRITÈRE DE NON-GÉLIVITÉ

Suivant les exigences requises pour les études de formulation de niveau 1 du GTS, à défaut d’essai spécifique de gonflement au gel, la résistance au gel est jugée satisfaisante si la résistance Rit à l’âge correspondant à la première apparition statistique possible du gel est supérieure à 0,25 MPa.

Le tableau 1 présente les correspondances issues de l’analyse statistique des résultats de l’étude traitée dans cet article. 

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Analyse statistique des valeurs de résistance par rapport au critère de non-gélivité (Rit > 0,25 MPa).
Analyse statistique des valeurs de résistance par rapport au critère de non-gélivité (Rit > 0,25 MPa).

Cette analyse montre que le critère d’insensibilité au gel obtenu à 20 °C après une cure de 3 mois, Rit ≥ 0,25 MPa, est observé dans la grande majorité des cas (> 95 %) après une cure de 14 jours à 40 °C. Si l’insensibilité doit être justifiée pour un âge d’apparition inférieur à 3 mois, l’essai doit alors être conduit à la durée requise et à la température de référence (20° C).

CONCLUSION – RECOMMANDATIONS D’APPLICATION DE LA MÉTHODE

Cette étude a contribué à définir un critère de faisabilité d’une formulation « sol / produit de traitement » suivant un protocole d’essai accéléré à 40 °C, l’obtention d’une zone 4 minimum à 14 jours – 40 °C permettant de vérifier une zone 4 dans les conditions de l’étude classique à 20 °C – 90 jours, sans surclassement. 

Pour ce faire, les corrections Rtcorrigé = 0,90 Rt (14 j-40 °C) et Ecorrigé = 1,20 E (1 4j-40 °C) doivent être appliquées aux résultats des essais à 40 °C. Avec ces corrections, l’approche accélérée apparaît comme satisfaisante, voire présentant un niveau de sécurité plus élevé.

Pour autant, la présente étude ne peut pas être exhaustive du comportement de l’ensemble des sols existants et de tous les traitements, et il convient d’utiliser la procédure accélérée avec discernement. Son application doit notamment respecter les recommandations suivantes : 

  • Avant de réaliser un essai accéléré, les matériaux à tester doivent être identifiés suivant les paramètres du GTR, pour déterminer leur représentativité et leur homogénéité. L’absence d’éléments perturbateurs, minéralogiques ou chimiques, doit également être vérifiée. À ce titre, il est recommandé d’appliquer le critère « gonflement » de l’essai d’aptitude normalisé NF P 94-100.
  • Pour encadrer les performances acceptables pour une solution de couche de forme traitée, on retiendra les valeurs limites suivantes  : Rt > 0,15 MPa et E > 1400 MPa.
  • Il est conseillé d’étudier plusieurs formulations de traitement pour un couple « sol – liant » donné, notamment pour tenir compte du risque d’obtenir des points douteux en zone 5. En effet, ces points ne permettent pas de conclure favorablement quant à la formulation testée et nécessitent de refaire un essai avec un dosage plus élevé, ce qui allonge d’autant la durée d’étude. 
  • Pour les matériaux atypiques et/ou pour lesquels on manque de retours d’expériences par rapport au traitement, il convient de privilégier la démarche d’étude de formulation du GTS.
  • Une attention particulière doit être portée à la mesure du module élastique par l’essai de traction indirecte. D’une part, les très faibles déformations mesurées sont parfois à la limite de précision des capteurs utilisés pour des éprouvettes 50 x 50 mm. D’autre part, la détermination du module sécant peut être influencée par la phase de calage du dispositif. Une correction de début de courbe réduit l’erreur liée à ce calage. La mesure d’un coefficient de poisson compris entre 0,10 et 0,20 constitue également un bon indicateur de la qualité de l’essai. 
  • Il sera intéressant de poursuivre l’alimentation de la base des résultats obtenus lors de cette étude par la réalisation d’autres essais comparés pour consolider, voire optimiser les coefficients de sécurité proposés.
RemarqueAu regard des essais comparés réalisés lors de la phase I de l’étude, la détermination du module élastique par un essai en compression pourrait présenter une alternative intéressante à l’essai en traction indirecte. Des essais complémentaires sont à mener pour caler la relation définie par la norme NF EN 16907-4 : Eit = k.Ec.

La figure 9 propose une synthèse des recommandations relatives aux performances E/Rt à considérer. Cette méthodologie d’essai accéléré doit désormais être consolidée par des retours d’expériences sur différents autres sols et liants, en comparant les valeurs issues des études classiques du GTR à celles issues du protocole avec chauffage.

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Principe de classification des performances de sols traités obtenues à 14 jours par une étude de faisabilité accélérée par une cure à 40 °C.
Principe de classification des performances de sols traités obtenues à 14 jours par une étude de faisabilité accélérée par une cure à 40 °C.

Son domaine d’application aux petits chantiers peut être défini par les conditions suivantes :

  • Le comportement du sol vis-à-vis du liant testé est connu et ne pose pas de problème.
  • Le sol traité ne se trouve pas dans un état hydrique extrême (« ts » ou « th »).
  • On ne recherche pas à optimiser la couche de forme pour un surclassement de la plate-forme (dosage, épaisseur, classe du matériau traité).
  • Les sollicitations appliquées à la plate-forme support de la chaussée sont d’un niveau courant, excluant les usages suivants : réseau structurant et/ou à fort trafic, réalisation d’une PF4 ou supérieure, utilisation de la couche de forme en tant que piste de chantier avec un trafic supérieur à celui généré par l’approvisionnement des matériaux de la couche de fondation.

Dans le cas contraire, l’étude de formulation de niveau 1 ou supérieur du GTS doit rester la démarche de référence.

RÉFÉRENCES

1. LCPC/Sétra,  Traitement des sols à la chaux et/ou aux liants hydrauliques (GTS). Application à la réalisation des remblais et des couches de forme, Guide technique, LCPC, 2000.
2. LCPC/Sétra,  Réalisation des remblais et des couches de forme (GTR), Guide technique. Fascicules 1 et 2, LCPC, 2000.
3. NF P 94-100, « Sols : reconnaissance et essais - Matériaux traités à la chaux et/ou aux liants hydrauliques - Essais d’évaluation de l’aptitude d’un sol au traitement », août 2015. 
4. S. Hervé, M. Préteseille, D. Desmoulin, M. Collobert, « Sols traités aux liants hydrauliques – Étude d’une procédure d’essais accélérés en laboratoire », RGRA n° 963, mai 2019. 
5. NF P 94-102-1, « Sols : reconnaissance et essais - Sol traité au liant hydraulique, éventuellement associé à la chaux, pour utilisation en couche de forme - Partie 1 : définition - Composition – Classification », juillet 2001.

Revue RGRA