Compte tenu de la crise sanitaire en cours, les Journées techniques Route (JTR) 2021 se sont déroulées intégralement en distanciel les 10 et 11 février derniers. Leur programme a été structuré autour d’une session transversale, de quatre sessions thématiques et de quelques brèves. Les sessions thématiques ont traité de problématiques en lien avec les questions environnementales qui sont au cœur des préoccupations sociétales actuelles.
Depuis plus d'un quart de siècle, les JTR sont le lieu de rendez-vous annuel des acteurs français publics et privés des infrastructures de transport terrestre. Sous la marque JTR qu’elles ont conservée, leur champ est aussi devenu multimodal : elles couvrent désormais les infrastructures routières et ferroviaires, urbaines et interurbaines, les pistes aéronautiques et les voies industrielles. Les JTR sont l’occasion de mettre en commun les expériences, innovations et recherches développées autour de la construction, de l’entretien, de la sécurité et de l’exploitation.
Compte tenu de la crise sanitaire en cours, les JTR se sont adaptées avec une édition 2021 intégralement en distanciel. Cette année, ce ne sont pas moins de 754 inscriptions qui ont été enregistrées et les trois quarts des inscrits ont participé à au moins une session, des chiffres qui traduisent la belle audience de la manifestation.
La structure générale du programme de ces journées techniques a été modifiée de façon à tenir compte des nouvelles modalités d’organisation. Les présentations se sont déroulées sur une journée et demie, le 10 février toute la journée et le 11 février matin. Le programme a été structuré autour d’une session transversale, de quatre sessions thématiques et de quelques brèves. L’ensemble des sessions thématiques ont été orientées sur des problématiques en lien avec les questions environnementales.
Session transversale
Véronique Cerezo (univ. Gustave Eiffel)
Cette année a été l’occasion de nombreux changements au sein des instituts qui co-organisent les JTR.
Actualités de l’université Gustave Eiffel
Tout d’abord, Hélène Jacquot-Guimbal, 1re vice-présidente de l’université Gustave Eiffel, a ouvert la session, se réjouissant que les eJTR puissent se tenir dans un contexte sanitaire difficile avec un public toujours plus nombreux et rappelant l’attachement de l’université Gustave Eiffel à cet événement, lieu d’échanges, de partage et de collaborations avec toute la profession. Elle a rappelé que l’année 2020 a également été la première année de fonctionnement de l’université Gustave Eiffel avec les élections en fin d’année qui ont permis de nommer un président : Gilles Roussel.
L’université Gustave Eiffel est un établissement public expérimental à dimension nationale avec sept implantations réparties sur tout le territoire. Cet établissement est issu de la fusion de l’Ifsttar (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux) et de l’UPEM (université Paris-Est Marne-la-Vallée), et de l’intégration de quatre écoles (EIVP, EAV&T, IGN/ENSG et ESIEE Paris) sous forme d’établissements composantes ou d’écoles membres.
Les eJTR ont donc constitué une opportunité pour ce nouveau président de découvrir les JTR et de réaffirmer la volonté de l’université de poursuivre ses actions de recherche, d’expertise et d’appui aux politiques publiques dans le domaine des infrastructures de transport. Il a également insisté sur le développement des partenariats public/privé à poursuivre et sur la volonté d’appuyer les collectivités territoriales sur certains sujets. Par ailleurs, l’université Gustave Eiffel met en place une stratégie tournée vers l’international avec des succès récents comme celui du programme Cleardoc, dont l’objectif est l’accueil de doctorants étrangers.
Bilan, perspectives et actualités du Cerema
Ensuite, Pascal Berteaud, directeur du Cerema, a débuté son allocution en appréciant le programme tourné vers la prise en compte du changement climatique dans la gestion des infrastructures de mobilité.
Il a également fait un bilan de la vaste réorganisation du Cerema en précisant que toutes les missions ont été rebalayées et centrées sur la recherche/innovation, la diffusion de méthodologie, la mise en œuvre sur le terrain.
Le Cerema s’est structuré en vingt et un secteurs d’activité répartis dans six domaines (mobilité, efficacité énergétique, infrastructures, risques et nuisances, mer et littoral, aménagement intégré du territoire). En termes de bilan, le Cerema a été sélectionné sur l’institut Carnot « Climadapt » concernant l’adaptation au changement climatique, a lancé Cerema Lab (accueil de start-ups) en 2020 et a structuré une équipe de recherche en géotechnique.
En 2021, le sujet principal concernera les ouvrages d’art (OA) avec un programme sur les OA connectés (entretien) et un programme de diagnostic des OA des petites collectivités.
Activités de l’Idrrim et Pacte d’engagement
Puis, Didier Colin, directeur de l’Idrrim depuis le 1er novembre 2020, a présenté cette association créée en 2010 après le Grenelle de l’environnement. L’Idrrim est organisé en 5 collèges (maîtres ouvrage publics des infrastructures de mobilité, recherche et formation, associations partenariales, ingénierie publique et privée, entreprises et fournisseurs du domaine) et il s’est doté d’un réseau d’ambassadeurs.
Il a 4 axes de travail (gestion du patrimoine des infrastructures ; adaptation des infrastructures aux transitions écologique, climatique, énergétique et numérique ; qualité/ compétences/qualifications ; promotion de l’innovation (expérimenter, partager, capitaliser)) ainsi que quelques actions transversales (BIM, prospective, sécurité sur les chantiers).
En 2020, les publications de l’Idrrim ont à nouveau été nombreuses et diversifiées. Elles sont téléchargeables sur le site de l’association, comme le bilan 2020 de l’ONR (Observatoire national des routes) pour lequel on note une contribution importante des gestionnaires (68 départements et 10 métropoles).
D. Colin a également annoncé la signature d’un nouveau Pacte d’engagement le 20 janvier 2021 avec 24 signataires confirmés et rappelé que le congrès de l’Idrrim, initialement prévu en 2020, se tiendra les 4 et 5 octobre 2021 à Rennes sur la même thématique « Citoyens, professionnels, décideurs : face aux transitions, quel engagement collectif pour les infrastructures de mobilité ? ».
Bilan et perspectives de Routes de France
Bernard Sala, directeur de Routes de France, a dressé un bilan de l’année 2020 et souligné l’importance d’avoir des infrastructures en bon état dans le contexte de la crise sanitaire ainsi que la prise de conscience collective du besoin de nouvelles infrastructures adaptées aux nouvelles mobilités et ayant une empreinte environnementale plus faible.
Les entreprises ont su s’adapter à cette crise, même si le chiffre d’affaires de la profession a baissé de 14,4 % en 2020. Une inquiétude forte demeure avec une baisse très importante du carnet de commandes en 2021 liée à un nombre d’appels d’offres réduit. B. Sala a indiqué que la relance passera par une mise en mouvement de l’ensemble de l’écosystème, de l’innovation, de la prescription environnementale, notamment en développant le bas carbone et la mise en œuvre d’une économie circulaire.
Le Pacte d’engagement signé en 2021 constitue une démarche collective forte pour œuvrer dans le sens de l’abaissement de l’impact environnemental des routes et Routes de France s’engage à faire entrer en résonance ce pacte à l’échelle locale pour atteindre les objectifs fixés.
B. Sala a également insisté sur les besoins actuels en matière de diagnostic des infrastructures et sur l’implication de Route de France dans des sujets prospectifs comme la route électrique pour répondre aux enjeux environnementaux.
Actualités de la DIT
Ensuite, Jean-Renaud Gély, chef du service de la gestion du réseau routier national à la Direction des infrastructures de transport, a fait un retour sur l’année 2020 :
- La crise sanitaire a été un révélateur de l’importance du transport routier dans l’approvisionnement, notamment pendant les périodes de confinement (photo 1).
- L’activité travaux publics a rapidement repris suite au 1er confinement et elle a été maintenue lors du 2e grâce à des protocoles sanitaires adaptés.
Un autre point de cette intervention a concerné le plan de relance, avec 350 M € consacrés à la modernisation du réseau routier national (RRN) et des ouvrages d’art (OA) et 150 M€ dédiés au développement de nouveaux usages (voies réservées aux mobilités partagées, bornes électriques).
Puis, J.-R. Gély a rappelé le projet RRN 20-30 visant à renforcer le pilotage et le dialogue de gestion du RRN (État stratège/État opérateur). Il a ensuite abordé la question du groupe de travail sur la doctrine technique, dont les travaux avaient été suspendus lors du 1er confinement et qui sont en train de reprendre avec trois ateliers programmés entre février et mai.
Enfin, il a présenté les JAMI (Journées pour l’accélération et la modernisation des infrastructures), qui visent à accélérer les projets (plan de relance, simplification des procédures), innover pour la transition écologique et renforcer l’attractivité des métiers des travaux publics.
Bilan et perspectives pour l’ADTech
Cette session s’est conclue par une intervention de Frédéric Perrière, nouveau président de l’ADTech, association des directions techniques des collectivités. F. Perrière a rappelé le rôle de l’ADTech, communauté de métiers présente dans différentes instances professionnelles qui contribue à la définition des orientations nationales (normalisation, projets de loi) et est active dans l’offre de formation (CNFPT).
Il a souligné la volonté des élus de maintenir l’activité des travaux publics durant la crise sanitaire, avec des taux de consommation des crédits de l’ordre de 90 % en fin d’année 2020. Il demeure néanmoins des inquiétudes sur les capacités d’investissement à moyen terme des collectivités compte tenu de la crise économique et sociale.
F. Perrière a également précisé deux attentes fortes de la part des collectivités : pouvoir accéder à de l’ingénierie de second niveau et continuer de faire vivre les communautés techniques (Cotita notamment). Il a insisté sur l’importance de l’entretien du patrimoine des infrastructures de mobilité avec un besoin de renforcer les compétences et d’accompagner les petites collectivités.
Enfin, il est revenu sur l’intégration croissante des enjeux environnementaux et climatiques (aller vers des infrastructures bas carbone et résilientes, adaptées aux mobilités alternatives) avec une adhésion forte des collectivités au Pacte d’engagement. Il a terminé son intervention sur le thème du numérique et la nécessité de réinventer les métiers pour le futur.
Brèves
V. Cerezo (univ. Gustave Eiffel)
Daniel Lemoine (Cerema) a proposé un panorama de quelques innovations récentes en matière d’équipements de la route dédiés à la signalisation. En effet, au cours des dernières années, plusieurs dispositifs de signalisation horizontale dynamique fondés sur des technologies de plots lumineux, de LED ou de luminescence ont vu le jour. Ils font actuellement l’objet d’expérimentations in situ avec une évaluation de leurs performances.
Sébastien Wasner (Cerema) a présenté un retour d’expérience du projet GERESE (Gestion de réseau secondaire), réalisé en partenariat avec neuf conseils départementaux. Ce projet a contribué à développer une méthodologie d’évaluation intégrée du patrimoine avec des relevés « terrain », du traitement pour la constitution d’une base de données et le calcul d’indicateurs d’état, qui conduit à une programmation adaptée et priorisée des travaux.
V. Cerezo a exposé les premiers résultats de l’Observatoire national de macrotexture « PMP/PMT » (profon- deur moyenne de profil/profondeur moyenne de texture) sous l’égide du Groupe national sur les caractéristiques de surface (GNCDS). Des données correspondant à environ 1 100 km de linéaire routier ont été collectées et analysées. Cette étude a confirmé la relation linéaire proposée dans la norme ISO EN 13473-1. Elle doit se poursuivre par la collecte de nouvelles données pour estimer l’impact de la modification récente de la méthode de calcul de l’indicateur PMP.
Marc-Stéphane Ginoux (Cerema) a présenté la révision de la norme EN 13108-31 sur les enrobés bitumineux à l’émulsion de bitume, publiée en 2020. Cette norme a entraîné la suppression des normes NF P 98-121 (graves-émulsion) et NF P 98-139 (bétons bitumineux à l’émulsion) ainsi que la rédaction d’un fascicule de documentation précisant les dispositions de l’EN 13108 31 retenues en France et permettant de conserver les dispositions des normes françaises NF P 98-121 et NF P 98-139. Ces documents ont été complétés par le guide Idrrim Enrobés à l’émulsion fabriqués en usine de septembre 2020 (photo 2).
Enfin, Simon Pouget (Eiffage) a fait le point sur les avancées du projet national Durée de vie des chaussées (DVDC). Sur le thème 1 (mécanisme de dégradation), les travaux ont proposé des avancées dans la compréhension des mécanismes, en particulier lors des dégradations hivernales (11 livrables et 1 thèse soutenue). Sur le thème 2 (caractérisation de l’état d’un réseau), des recherches ont été menées sur les méthodes d’auscultation in situ et le développement d’indices structurels (9 livrables). Sur le thème 3 (évaluation de la durée de vie résiduelle), des modèles de dégradation des structures ont été proposés (9 livrables).
Ce projet qui fait l’objet de nombreuses actions de communication a été prolongé jusqu’en 2022.
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Sessions techniques
Évaluation des polluants atmosphériques et solutions
S. Cariou (Cerema), Y. Liu (univ. Gustave Eiffel), B. Delaporte (Routes de France)
Projets routiers et aménagements
La présentation d’Isabelle Gossmann (Cerema) était consacrée à la zone à faible émission mobilité (ZFEm), dispositif réglementaire dont l’objectif est de réduire la pollution atmosphérique en agissant sur les émissions de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines. La ZFEm est destinée aux collectivités qui souhaitent améliorer la qualité de l’air et protéger la santé de leur population en limitant la circulation des véhicules les plus polluants en zone dense et de façon permanente.
Virginie Dunez (Cerema) a détaillé les différentes étapes du Guide méthodologique sur le volet « air et santé » des études d’impacts routières, publié par le Cerema en 2019 :
- le dimensionnement de l’étude air ;
- la connaissance de l’état actuel de la qualité de l’air via un recueil et une analyse de données et la réalisation de campagnes de mesures ;
- l’évaluation et l’analyse des impacts.
Cette dernière étape repose sur un modèle de calcul des émissions, puis un modèle de dispersion, qui aboutissent in fine au calcul d’indicateurs d’exposition et d’indicateurs sanitaires. L’indice pollution population (IPP), par exemple, permet d’évaluer l’exposition delapopulationàlapollution,decomparer des variantes ou des scénarios entre eux et d’apprécier ces variantes et scénarios par rapport aux valeurs limite de qualité de l’air.
Émissions
Boris Vansevenant (univ. Gustave Eiffel) est intervenu sur les émissions des polluants du trafic routier en zone urbaine, avec des mesures au laboratoire sur le banc à rouleaux (univ. Gustave Eiffel) et in situ dans un tunnel et en bord de route. Les résultats montrent que les émissions des particules en nombre à l’échappement liées à la combustion pourraient représenter seulement 10 à 20 % des émissions globales induites par le trafic. Avec une forte augmentation des motorisations hybrides et électriques en 2030, les émissions hors échappement devraient particulièrement être surveillées/contrôlées.
Bogdan Muresan (univ. Gustave Eiffel) a présenté la caractérisation physico-chimique des particules émises hors échappement par les véhicules routiers (émissions des freins et du contact pneu-chaussée). Les mesures des émissions des freins ont été réalisées à l’aide du banc à rouleaux, sous différentes conditions : en milieu urbain, péri- urbain et autoroutier. La quantité des particules en nombre émise est proportionnelle à la fréquence et la force de freinage. Les émissions des particules ultrafines ont été observées quand la température de frein devient supérieure à 250-300 °C.
Les études des émissions du contact pneu-chaussée ont été réalisées sur la piste d’essai et sur route avec un véhicule instrumenté. Une accélération des émissions des particules ultrafines a été observée au-delà de 70 km/h. L’émission des particules pneu-chaussée est fortement influencée par les contaminants et les textures de la chaussée.
Ces résultats montrent qu’une réduction de la vitesse (< 70 km/h) sur les grands axes des zones périurbaines et une fluidification du trafic routier dans les zones urbaines pourraient être efficace pour réduire les émissions des particules hors échappement.
Infrastructure
L’inventaire du cycle de vie du bitume (ICV), qui représente une composante importante de l’impact environnemental des revêtements bitumineux, a été présenté par Laurent Porot (Eurobitume). Cet ICV, publié par Eurobitume en 2020, a été calculé sur la base de bruts de pétrole utilisés pour la production de bitume en Europe. L’approche dite « Du berceau à la sortie de l’usine » a été retenue, en considérant chaque étape du cycle de vie : extraction du pétrole, transport maritime et raffinage. L’évolution de cet ICV par rapport aux données publiées en 2011 a été expliquée.
L’intervention de Brice Delaporte (Routes de France) concernait les travaux d’actualisation de la base de données de l’éco-comparateur SEVE, dont l’objectif est d’apporter un cadre objectif à la comparaison de l’empreinte environnementale des projets, grâce à une base de données et une méthodologie communes à l’ensemble des utilisateurs. Les données de plus de 150 matériaux, engins de chantier ou matériels de transport sont en cours d’actualisation en 2021. Cette mise à jour fera l’objet de la publication du document « SEVE - Méthodologies & sources » en 2021. Elle viendra s’ajouter à différentes évolutions en cours de développement.
Prise en compte de l’économie circulaire
A. Pavoine (Cerema), B. Cazagliu (univ. Gustave Eiffel), C. Leroy (Routes de France), L. Vidal (Novabuild)
Leviers d’action pour une économie circulaire dans les techniques routières
Alexandre Pavoine (Cerema) a rappelé que l’économie circulaire constitue une rupture par rapport à l’économie linéaire qui consiste à extraire, fabriquer, consommer et jeter. Ce modèle de développement est à présent inscrit dans la loi et la France se fixe notamment des objectifs pour ce qui concerne la consommation d’énergie, l’émission de gaz à effet de serre (GES) et la production de déchets.
Les techniques routières participent à la transition vers ce modèle de développement économique. En effet, il convient de souligner que l’activité du BTP consomme près de 445 Mt de granulats par an (Unicem 2020, données 2018), et que les travaux publics génèrent près de 185 Mt de déchets par an (CGDD 2017, Données SOeS 2014). Par ailleurs, la part des matériaux issus de la déconstruction, de l’entretien, de la rénovation est croissante.
Des travaux récents estiment que cette ressource pourrait couvrir entre 15 et 39 % des besoins. Ainsi, l’enjeu du respect de la hiérarchisation du mode de gestion des déchets est un axe fort porté par les acteurs des techniques routières. Après les conventions d’engagement volontaire de 2009, le Pacte d’engagement des acteurs des infrastructures de mobilité réaffirme la mobilisation sur de nombreux enjeux : recycler, moins consommer d’énergie, réduire les GES, engager tous les territoires.
Retours d’expériences
Certaines techniques sont suffisamment matures pour être largement mises en œuvre. Des travaux portant sur le recyclage à fort taux, présentés par Jacques-Antoine Decamps (Eurovia) attestent d’une faisabilité à 100 % et soulignent un optimum à 70 %. Ce recyclage à 70 % implique toutefois la réalisation d’actions spécifiques afin de maîtriser l’impact des matériaux recyclés sur les matériaux mis en œuvre.
Cela repose notamment sur une bonne connaissance de la chaussée et des matériaux en place (auscultation, planches de rabotage), la réalisation d’études en amont et le suivi des matériaux au cours des travaux avec en particulier la réalisation d’essais de caractérisation rhéologique complémentaires.
Les collectivités ont un rôle à jouer pour favoriser la circularité des matériaux. La recherche de synergies entre différents projets locaux de Nantes Métropole montre l’intérêt d’une approche globale (Bruno Cremet – Nantes Métropole Aménagement, Cédric Couilleau – Charier). La gestion de matériaux de déconstruction, leur transport (par voie fluviale) et l’emploi dans un projet d’aménagement ont contribué à valoriser des déchets et à réduire la consommation de ressources primaires et les émissions de GES.
Innovation
La transition vers une économie circulaire implique l’innovation. À titre d’exemple, l’utilisation de matériels innovants sur une plate-forme de tri (Antony Provost – Gendrot TP, Alexis Cothenet, Erwan Hamard, Bogdan Cazacliu – univ. Gustave Eiffel) a offert de nouvelles opportunités de valorisation des matériaux (photo 3). Ce procédé de séparation de terres excavées a permis de produire 3 classes de matériaux granulaires : les fines (0/16 mm) aptes à l’emploi dans des projets d’aménagements, de génie civil et autres, et les classes plus gros- sières (16/40 et 40/80 mm) pour des projets de génie civil.
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Les initiatives territoriales en faveur d’une économie circulaire dans les techniques routières se multiplient et donnent lieu à des organisations spécifiques pour appréhender ces modes d’action nouveaux et en maîtriser les risques. L’exemple de la communauté de commune du Grand Autunois Morvan témoigne des actions qui peuvent être mises en œuvre à l’échelle d’un territoire afin de mieux connaître les ressources disponibles, adapter la prescription et engager les acteurs (Patrick Vaillant – Cerema).
Nouveau label
Les donneurs d’ordres disposent à présent d’outils pour accompagner et valoriser leurs initiatives. Le label 2EC « Engagement Économie Circulaire », porté par le ministère de la Transition écologique, vient faciliter et promouvoir les actions en faveur d’une gestion vertueuse des déchets dans les travaux (Laurent Eisenlohr – Cerema).
Conclusion
Cette session témoigne de l’engagement des acteurs des techniques routières et de leur montée en compétences. De nombreux travaux ont alimenté les doctrines et permettent une mise en œuvre concrète. La diffusion de ces pratiques au cœur des territoires est essentielle. Une accélération est attendue via le Pacte d’engagement des acteurs des infrastructures de mobilité (Christine Leroy – Routes de France).
Les terrassements dans la transition écologique et énergétique
P. Chardard (SPTF), B. Daubilly (UMTM), J.-L. Hoareau (Eiffage), Thibaut Lambert (Cerema), T. Lenoir (univ. Gustave Eiffel)
Dans le domaine de la construction, le terrassement concerne l’extraction, le transport et la mise en œuvre de sols et/ou de matériaux rocheux nécessités pour la réalisation d’ouvrages en terre. Du fait de la raréfaction des ressources et des nouvelles contraintes liées au changement climatique et à la multiplication des risques sanitaires et environnementaux, ce domaine d’activité, de la conception des projets à l’organisation des chantiers, est directement et fortement affecté par les problématiques de la transition écologique.
Les fabricants de matériel de terrassement innovent en matière de sécurité, d’informatique embarquée, de réduction de consommation de carburants ou de motorisations. Le projet Axelia de l’autoroute A79 témoigne de ces innovations avec une bande transporteuse de 1 700 mètres de long et d’une capacité de 850 tonnes/heure (photo 4), qui a contribué à réduire l’empreinte carbone du projet à hauteur de 2 500 tonnes équivalent CO2.
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Pour ce qui concerne les matériaux, l’impact de la prise en compte des problématiques de la transition écologique est majeur. Ainsi, la doctrine de classification, d’utilisation et de mise en œuvre des matériaux a été révisée. Le Guide technique de réalisation des remblais et des couches de forme (GTR) a été mis en révision, avec une publication prévue fin 2021-début 2022 suite à la publication des normes européennes sur les terrassements NF EN 16907-1 à 6.
En parallèle, la norme NF P 11-300 (Exécution des terrassements - Classification des matériaux utilisables dans la construction des remblais) va être révisée pour être mise en cohérence avec la norme européenne NF EN16907-2 (Terrassement - Partie 2 : classification des matériaux) et cette nouvelle version du GTR. Dans cette révision du GTR, deux innovations majeures sont donc l’intégration des prescriptions de mise en œuvre des matériaux alternatifs et l’élargissement du domaine d’utilisation des matériaux argileux plastiques.
Les réflexions sur l’économie circulaire ont été engagées depuis près de 10 ans, avant les premiers textes législatifs qui en précisent les objectifs (loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire). Le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) et le Cerema ont produit des guides de valorisation par filière d’utilisation, que ce soit en aménagement ou en technique routière, et par type de gisement de matériaux alternatifs.
En 2016, les professionnels ont sollicité auprès du ministère en charge de la transition écologique l’écriture d’un guide, actuellement en cours de finalisation, avec un co-pilotage UMTM (Union des métiers de la terre et de la mer)/Cerema. Ce guide définit l’acceptabilité environnementale des terres excavées dans les projets d’infrastructure linéaire de transport et accompagnera les acteurs dans l’application de la règlementation liée aux déchets.
Cette thématique de matériaux alternatifs est omniprésente en ce qui concerne les sols urbains, avec un épuisement des ressources naturelles, un accroissement des besoins et une augmentation de la production des déchets issus du domaine de la construction. Or, les sols urbains ont une composition complexe avec des sources de pollution multiples et des données les concernant peu disponibles. Des travaux ont été menés en commun entre l’université Gustave Eiffel, la FNTP et l’ESITC (École supérieure d’ingénieurs des travaux de la construction) de Caen pour combler une partie de ces lacunes (figure 1).
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Pour prendre en compte les problématiques induites par la transition écologique, une piste consiste à mieux connaître le comportement des matériaux dans les ouvrages afin d’en optimiser l’utilisation. Des travaux sur la rocade Sud de Strasbourg ont été l’occasion d’étudier les performances en fatigue des lœss traités aux liants hydrauliques ainsi que le comportement d’une structure constituée de différentes couches collées entre elles. Les conditions de collage ont été analysées en laboratoire afin de mieux comprendre le comportement des interfaces entre les couches et les résultats ont été comparés à ceux de simulations numériques réalisées avec le logiciel Alizé. Cette étude a mis en évidence la nécessité d’évaluer l’incidence de ces résultats sur le dimensionnement de structures et l’importance de faire évoluer la prise en compte des couches de « terrassements » dans le dimensionnement des structures.
Résilience des Infrastructures face aux changements climatiques
Y. Ennesser (Egis), L. Ighil Ameur (Cerema), O. Payrastre (univ. Gustave Eiffel)
Les événements climatiques extrêmes ont des répercussions directes majeures sur les infrastructures. Ces conséquences sont principalement économiques, mais concernent également la santé et la sécurité. Or, avec le changement climatique, les phénomènes météorologiques extrêmes pourraient augmenter en fréquence et en intensité. En d’autres termes, les événements dits « exceptionnels » pourraient rentrer dans la norme. Les référentiels ont ainsi changé et vont continuer de s’adapter. Les canicules exceptionnelles de l’été 2019 (record absolu de température en France métropolitaine battu le 28 juin 2019) et les crues dans le Gard (photo 5) et les Alpes Maritimes à l’automne 2020 (deux événements d’intensité pluviométrique supérieure à 500 mm en 24h observés la même année, ce qui ne s’était jamais produit auparavant) le rappellent.
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Les infrastructures sont généralement vulnérables face aux événements climatiques qui excèdent leurs normes de conception. Alors qu’il convient de concevoir des ouvrages présentant des durées de vie d’une centaine d’années ou plus, cette période correspond précisément à celle pendant laquelle le changement climatique devrait être particulièrement important.
Les présentations de cette session rendent compte des différentes dimensions et de la complexité du problème, mais aussi des solutions apportées pour y faire face par l’adaptation et la résilience climatique.
Un tour d’horizon sur la question de la résilience des infrastructures au changement climatique autour des projets de R & D à l’échelle européenne montre que les approches méthodologiques ont beaucoup évolué durant cette dernière décennie, vers des réflexions de plus en plus pratiques et opérationnelles (Yves Ennesser – Egis).
Ces progrès sont largement dus aux améliorations continues des modèles climatiques et modèles d’impacts, comme en témoigne un focus sur les précipitations et la température à Nantes, même si de nombreuses incertitudes subsistent (Kaita Chancibault, univ. Gustave Eiffel).
Dans le même temps les compétences techniques se développent et des filières s’organisent dans le domaine de la résilience aux changements climatiques, allant du diagnostic de vulnérabilité à la gestion intégrée des patrimoines d’infrastructures, en passant par les stratégies d’adaptation (Marie Colin – Cerema).
La recherche se poursuit sur des sujets pointus, comme les solutions de remédiation pour limiter les vulnérabilités des routes affectées par la sécheresse dans le contexte du changement climatique (photo 6), s’appuyant notamment sur la création d’un Observatoire des routes sinistrées par la sécheresse (Lamine Ighil Ameur – Cerema).
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Les diagnostics s’affinent pour évaluer la sensibilité des infrastructures à l’inondation. Une application à l’échelle du département du Gard montre qu’un pré-diagnostic de sensibilité à l’inondation semble réalisable à partir de codes de calculs hydrauliques « automatisables » (Olivier Payrastre – univ. Gustave Eiffel).
CONCLUSION
Ces eJTR ont permis des échanges fructueux avec les participants via le système de question/réponse en ligne. Toutes les présentations sont disponibles sur le site des JTR et les sessions sont accessibles en rediffusion pour les inscrits sur la plate-forme d’hébergement Livestorm.
Cette édition était la dernière de Marie-Line Gallenne, co-organisatrice de l’événement depuis de nombreuses années. C’est l’occasion de la remercier chaleureusement pour tout le travail réalisé et son investissement sans faille sur cet événement.
La prochaine édition des JTR est programmée les 2 et 3 février 2022 à la Cité des congrès de Nantes.