Portée par son maire, Charles Ferré, la municipalité d’Égletons (19), qui abrite un large campus scolaire pour la formation aux métiers des TP1, a investi dans la modernisation de ses infrastructures routières afin d’optimiser et réduire ses coûts énergétiques. Elle s’appuie, pour ce faire, sur des technologies éprouvées en matière de réalisation routière et d’éclairage.
Ce projet, initié en 2016 à Égletons, fait appel aux dernières innovations de Spie Batignolles Malet pour s’inscrire dans le développement de la route intelligente de 5e génération (R5G), c’est-à-dire des infrastructures routières capables de produire de l’information sur l’état et l’évolution des chaussées et de communiquer avec les véhicules et les collectivités.
Prévu pour une livraison et une mise en œuvre courant 2019, le chantier doit aboutir à une voirie qui rend service aux habitants d’Égletons et offre une valeur ajoutée aux écoles renommées de la municipalité (photo 1), aussi bien le lycée, l’EATP, l’IUT et le laboratoire de recherche GC2D.
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Succès d'un dialogue compétitif
Égletons, ville de 5 000 habitants, compte 3 piliers économiques :
- Le bois : la municipalité représente la 1re plate-forme européenne de granule et de bois.
- L’agroalimentaire : le territoire est une terre d’élevage de bovins reconnue.
- L’enseignement : le lycée a été construit en 1932, suivi par l’EATP en 1942.
« Le secteur des travaux publics est dynamique et les offres d’emploi sont nombreuses », explique Charles Ferré. « Ce que l’on souhaitait, à travers cette expérimentation, c’était sortir de l’ordinaire, apporter une valeur ajoutée à la collectivité et son campus. D’où l’idée de travailler sur un dialogue compétitif. »
Dans l’optique de mettre en valeur le savoir et le savoir-faire des étudiants et équipes de l’EATP, du lycée, de l’IUT et du laboratoire GC2D, les 4 km de voirie bordant le campus d’Égletons ont été divisés en 3 tronçons expérimentaux de 300 m chacun :
- 1er tronçon remporté par Malet : mise en œuvre d’une couche de roulement Agrego conjuguée au procédé Lumiroute, le tout sur une structure en grave-émulsion (GE) 100 % AE instrumentée, et donc communicante.
- 2e tronçon remporté par Vinci : mise en œuvre d’une chaussée non verglaçante et déneigeante qui sera reliée au retour du réseau de chaleur urbain.
- 3e tronçon : expérimentation photo-voltaïque avec équipements connexes (signalisation de passage piétons et stop).
Si l’ensemble de ces tronçons va coûter 600 000 euros à la collectivité, le caractère innovant du projet lui a valu un financement régional et européen. Le département, quant à lui, soutient la municipalité à hauteur de 450 000 euros dans le cadre du plan d’aménagement urbain (PAU).
Démarche innovante et durable
Les équipes de Spie Batignolles Malet interviennent sur l’aménagement du premier des tronçons (300 m de long), composé d’une chaussée routière et d’un trottoir pour les piétons. Les deux zones sont séparées par un espace végétalisé et un parc de stationnement. L’ensemble bénéficie d’un cycle d’expérimentation pour mesurer la stabilité et la durabilité des matériaux à froid. Des lampadaires ont été positionnés dans les espaces végétalisés, orientés vers la chaussée.
Le tronçon a été divisé en 3 sections (1 section de référence et 2 sections expérimentales), toutes mises en œuvre avec une même couche de roulement en béton bitumineux à l’émulsion (BBE) Agreco (photo 2) :
- section témoin avec enrobé à chaud : grave-bitume (GB) en assise avec une couche de roulement en BBE (Agreco) ;
- section expérimentée avec enrobé à froid 1 : GE en assise de même épaisseur que la GB de la section de référence avec une couche de roulement en BBE (Agreco) ;
- section expérimentée avec enrobé à froid 2 : GE de plus faible épaisseur (- 2 cm) avec une couche de roulement en BBE (Agreco).
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« Chacune de ces sections est instrumentée pour optimiser le dimensionnement », précise Alain Béghin, directeur technique de Spie Batignolles Malet. « Grâce à des extensomètres et des capteurs de pression, on va mesurer les déformations sous un trafic parfaitement identifié. C’est une technologie éprouvée, à la pointe et résistante, qui va nous permettre, pendant 3 ans, d’analyser le comportement des chaussées. »
La voie innovante expérimentée ne subira pas de trafic intense, et c’est ce qui a incité l’entreprise à utiliser le Mobile Load Simulator (MLS) 10 (voir encadré) pour simuler le trafic et affiner le dimensionnement. Tous les 6 mois, la machine est ainsi placée sur site pour prendre des mesures et analyser l’évolution des chaussées dans le temps.
Le MLS 10 est un simulateur de trafic grandeur réelle qui peut se déplacer sur lui-même sur différents sites. Prototype conçu par Fred Hugo, en Afrique du Sud, il n’existe que deux exemplaires de ce produit (un en Allemagne et un en France). Cette machine peut appliquer des essieux standards français de 13 tonnes pour qualifier toute structure routière et enregistrer jusqu’à 6 000 passages par heure : en un mois d’essai, une durée de vie de 20 à 30 ans de chaussée a été simulée.
Éclairage intelligent
Le procédé Lumiroute2 de Spie Batignolles Malet, qui a fait l’objet d’une charte d’innovation en 2011, consiste à mettre en relation l’éclairage par rapport aux propriétés photométriques de la chaussée ; tout cela fondé sur le concept de luminance, soit la perception de l’usager à son arrivée sur une chaussée éclairée. Dans cette expérimentation, Lumiroute a été couplé avec un système de détection développé par la start-up toulousaine Kawantech, qui détecte de manière différenciée l’ensemble des usagers de la chaussée (véhicules, cyclistes, piétons et faune), identifie une chaussée sèche et une chaussée humide et adapte en conséquence la puissance des luminaires.
« Avec le procédé Lumiroute optimisé à Égletons, on a enregistré jusqu’à 70 % d’économie d’énergie et remarqué des progrès en termes de sécurité et d’environnement avec une diminution de l’éblouissement et de la pollution lumineuse », développe Alain Béghin. Les puissants algorithmes permettent donc de faire des analyses de mouvement de masse pour identifier la nature, la vitesse et la trajectoire de tout objet, et surtout de différencier un piéton d’un cycliste, d’une voiture, d’un animal et d’une branche d’arbre.
Intérêt pédagogique
L’aspect pédagogique a été mis en avant par Spie Batignolles Malet dans sa réponse à l’appel d’offres d’Égletons, puisque, tant dans la connaissance du dimensionnement de la GE que dans l’exploitation des données fournies par les instrumentations, cette expérimentation représente un lieu propice aux travaux pratiques des étudiants du campus TP. « Les étudiants peuvent dès aujourd’hui utiliser ces planches expérimentales comme sujets de projets, aussi bien dans le cadre du dimensionnement des chaussées que dans l’éclairage », conclut le directeur technique de Spie Batigbolles Malet.
Parallèlement au chantier de création d’une voirie de 5e génération, le groupe a conforté son partenariat avec le laboratoire GC2D d’Égletons. Celui-ci s’intègre dans un projet destiné à modéliser et à maîtriser la dégradation des couches de surface de chaussées en vue de l’optimisation de leur entretien (Macadam).
En 2017 a en outre été inauguré à Égletons un nouveau hall d’essais comprenant un espace dédié au bois et un autre aux chaussées (photo 3). L’enjeu scientifique est présent, puisque, pour la première fois, des essais en vraie grandeur s’y déroulent en extérieur, en ambiance contrôlée.
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Conclusion
Cette instrumentation des chaussées innovante est amenée à se propager largement auprès des professionnels du secteur. Spie Batignolles Malet, au sein même du campus d’Égletons, s’en sert pour dimensionner la mise en œuvre de différents matériaux, mais elle pourra également servir à analyser le comportement des chaussées dans le temps et réaliser de l’auto-auscultation. Elle permettra ainsi aux donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage d’évaluer l’état résiduel de leur chaussées, qui est encore assez difficile à évaluer, pour optimiser leur utilisation.
Références
1. A. Calvat, M. Criner-Serache, « Former, construire, innover : Égletons, l’excellence TP », RGRA n° 951, janvier 2018.
2. A. Nicolaï, P. Tardieux, P. Verny, V. Muzet, F. Greffier, A. Taron, P. Carle, « Procédé Lumiroute : bilan de l’expérimentation menée à Limoges », RGRA n° 953, avril 2018.