Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du ministre de la Transition écologique et solidaire et du ministre de la Cohésion des territoires. Il développe des relations étroites avec les collectivités territoriales, qui sont présentes dans ses instances de gouvernance. Cet article en présente les principales évolutions récentes.
Origine du Cerema et évolution de ses missions
Depuis plus de 50 ans, le Cerema est l’établissement de référence pour l’expertise publique que peuvent solliciter les services de l’État et les collectivités dans le domaine des infrastructures de transport et des mobilités. Progressivement, cette expertise s’est étendue aux problématiques relevant d’enjeux environnementaux et de risques naturels, de nuisances et pollutions ainsi qu’en matière d’aménagement du territoire : une condition nécessaire pour penser et agir pour des systèmes de transport pérennes et adaptés à de nouvelles mobilités.
Avec l’émergence des problématiques liées à la lutte et à l’adaptation contre le changement climatique, c’est désormais l’ensemble du champ de la transition écologique et de l’adaptation au changement climatique qui mobilise l’établissement présent partout en métropole et dans les Outre-mer grâce à ses 26 implantations.
Sous tutelle du ministère de la Transition écologique, le Cerema est notamment l’héritier des laboratoires régionaux des ponts et chaussées (LRPC) créés en 1952, du Service technique des routes et autoroutes (Sétra) créé en 1967 et des Centres d’études techniques de l’équipement (Cete) créés en 1968, qui venaient accompagner le développement du réseau routier français.
Par son expertise, sa recherche et son implication dans la normalisation et la production de guides, le Cerema fait référence dans le « monde de la route », qu’il s’agisse de conception et viabilité des infrastructures de transport, d’entretien et surveillance des ouvrages d’art et, plus globalement, de gestion de ce patrimoine (photo 1). Cette somme de savoirs accumulés et de forces de projection d’une expertise unique constitue un patrimoine national précieux. Le Cerema contribue à garantir la pérennité et la qualité du patrimoine routier tout en l’adaptant aux évolutions du climat et en innovant en permanence au service des gestionnaires publics et privés.
photo_1.jpg
L’enjeu aujourd’hui n’est plus la construction des routes, rues, ouvrages d’art, voies ferrées… et l’équipement des territoires, mais bien de garantir des réseaux de transport efficients, adaptés à l’évolution des usages, au meilleur coût pour que le million de kilomètres de routes et les 250 000 ponts continuent à assurer la stabilité économique, l’accès à la santé, aux secours, l’inclusion sociale…, et ce tout en répondant aux exigences environnementales.
1945 – Création du Service spécial des autoroutes (SSAR), du Service des études de recherches de la circulation routière et du Service des phares et balises.
1949 – Création du Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC).
1952 – Création des laboratoires régionaux des ponts et chaussées (LRPC).
1967 – Création du Service d'études techniques des routes et autoroutes (Sétra).
1968 – Création du premier Centre d'étude technique de l'équipement (Cete). Les huit Cete, qui intègrent les laboratoires régionaux des ponts et chaussées, apportent des prestations d'ingénierie dans les domaines :
• des infrastructures de transports : conception générale, ouvrages d'art, géotechnique, chaussées ;
• de l'exploitation et de la sécurité routière ;
• de la ville et des territoires : aménagement, urbanisme, habitat, construction, transports ;
• de l'environnement : eau, bruit, qualité de l'air, milieux naturels, énergie, déchets, risques naturels et technologiques ;
• de l'informatique.
1994 – Création du Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu), issu du Centre d’études des transports urbains (Cetur) et du Service technique de l’urbanisme (STU). Il reprend l’ensemble des compétences du Cetur et en partie celles du STU dans les domaines de l’urbanisme et des réseaux urbains. Il assure également de nouvelles compétences dans les domaines des constructions publiques et de l’environnement.
1998 – Création du Centre d’études techniques maritimes et fluviales (CETMEF), issu de la fusion du Service technique central des ports maritimes et des voies navigables (STCPMVN) et du Service technique de la navigation maritime et des transmissions de l’équipement (STNMTE).
2008 – L’équipement et l'écologie fusionnent : les Cete doivent inscrire dans leurs activités des actions en faveur du Grenelle de l’environnement.
2014 – Création du Cerema par fusion de onze services : les 8 Cete, le Certu, le CETMEF et le Sétra.
2023 – Changement de statut : le Cerema devient le premier établissement à pilotage partagé entre l’État et les collectivités.
Positionnement dans l’écosystème des gestionnaires routiers
Les vagues successives de décentralisation et les transferts conséquents du réseau routier national (RRN) font des enjeux routiers une question désormais éminemment aux mains des collectivités territoriales. Sur 1,1 million de km de réseau routier français, plus de 380 000 km sont gérés par les départements et plus de 700 000 km par les communes et leurs groupements.
Le Cerema, expert technique historique de l’État, a entrepris progressivement sa mue et une étape décisive a été franchie en mai 2023 : le changement de statut pour devenir le premier établissement à pilotage partagé entre l’État et les collectivités. Ce sont désormais près de 800 collectivités qui adhèrent au Cerema, dont 80 départements, 12 régions et la majorité des grandes métropoles. Concrètement, ces collectivités bénéficient d’un accès simplifié à l’expertise de l’établissement et leurs représentants siègent dorénavant à part égale avec l’État au sein du conseil d’administration et du conseil stratégique de l’établissement.
Cette évolution permet surtout le retour d’un cadre et de conditions favorables à un dialogue technique partagé entre l’État, les collectivités et les acteurs privés pour le développement d’une culture commune en matière d’adaptation des infrastructures aux nouveaux défis des transitions écologique et numérique et d’adaptation au changement climatique.
Réponses aux enjeux des réseaux routiers
Le patrimoine routier de la France est aujourd’hui vieillissant. L’essentiel est désormais son entretien, sa modernisation et son adaptation à de nouveaux besoins, par exemple pour l’apparition de systèmes de transport intelligents, connectés, voire autonomes, de l’électrification ou de pratiques de mobilités moins polluantes nécessitant des voies réservées et des régulations dynamiques.
Par ailleurs, l’adaptation des réseaux au changement climatique ainsi que la maîtrise de leur impact sur l’environnement et la santé font évoluer la conception des infrastructures comme leur entretien : choix de matériaux recyclés, dimensionnement révisé, procédés de fabrication des matériaux décarbonés, etc.
Autres enjeux essentiels, la numérisation des procédés et les évolutions technologiques permettent d’intervenir plus efficacement et à moindre coût à toutes les étapes de la vie d’une infrastructure : conception à l’aide du BIM (Building Information Model), modélisations 3D, jumeaux numériques, maintenance avec l’auscultation non destructive et à grand rendement, big data, monitoring en temps réel, etc.
Face à ces défis, le Cerema porte auprès de tous les gestionnaires publics et privés une vision 360° du réseau et des ouvrages qui le constituent. Cette vision d’ensemble est possible grâce à l’intervention des chercheurs, experts et techniciens du Cerema à toutes les étapes de la gestion des infrastructures :
- recherche et innovation en Europe et à l’international ;
- pilotage de programmes opérationnels comme le programme national Ponts – qui a permis à près de 12 500 communes d’expertiser 45 000 ouvrages d’art ;
- introduction de nouvelles technologies – notamment fondées sur de nouveaux capteurs (programme Ponts connectés), l’intelligence artificielle et les big data ;
- normalisation des matériaux et procédés ;
- diffusion de savoirs de référence via les Éditions du Cerema ;
- formation de professionnels.
Le Cerema porte également des méthodes innovantes pour aider les gestionnaires à la définition de stratégies de résilience des infrastructures. Cette panoplie de réponses a été complétée au 1er janvier 2021 par l’arrivée des équipes du Centre national des ponts de secours (CNPS) dotées de compétences uniques, notamment pour leurs interventions en post-crise, comme après la tempête Alex dans la vallée de la Roya en octobre 2020 (photo 2).
photo_2.jpg
Implication dans la recherche et l’innovation
La recherche au Cerema est entièrement tournée vers l’opérationnel et nourrit en continu à la fois l’activité d’expertise de l’établissement et l’émergence de méthodes et technologies innovantes en lien avec les entreprises. Ces travaux sont menés par trois des douze équipes de recherche du Cerema qui travaillent spécifiquement sur les enjeux routiers : Endsum (Évaluation non destructive des structures et des matériaux), MCD (Matériaux pour une construction durable) et Géocod (Géomatériaux et géomécanique, couplages et dynamique appliqués aux ouvrages géotechniques et aux risques).
Cette recherche est développée au cœur de l’écosystème national et européen de la recherche sur les infrastructures : université Gustave Eiffel, CY Université ou Paris Est Sup, INRAe, BRGM, ENTPE... en France ou encore BAST en Allemagne, Cedex en Espagne, VSS en Suisse...
Dans le même esprit, le Cerema accompagne recherche et pratiques innovantes des gestionnaires publics et entreprises privées via son institut Carnot Clim’Adapt, tourné vers l’adaptation des réseaux de transport et des territoires au changement climatique, et son dispositif dédié aux PME innovantes, CeremaLab, en lien avec BPI France et le réseau d’incubateurs Greentech Innovation.
Côté innovation, le Cerema a mis au point de nombreuses solutions innovantes :
- l’Aigle 3D pour l’auscultation de chaussées à grand rendement ;
- la passerelle Epsilon pour l’inspection des ouvrages d’art difficiles d’accès ;
- le CereMap3D pour numériser l’infrastructure et son environnement ;
- le déflectomètre à grande vitesse, qui mesure la déformabilité des chaussées en opérant dans le flux du trafic ;
- l’automatisation des chaînes de traitement de données d’auscultation à grand rendement ;
- une plate-forme pour héberger et mettre à disposition les données 3D...
Un partenariat structurant avec l’Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) soutient le développement d’usages de l’intelligence artificielle dans le domaine routier (projet Road-AI notamment).
Avec l’Observatoire des routes sinistrées par la sécheresse, le Cerema étudie l’impact de la sécheresse et du retrait-gonflement des sols argileux sur les routes, développe et expérimente des solutions de réparation innovantes (photo 3).
photo_3.jpg
Par ailleurs, le Cerema évalue chaque année les innovations d’entreprises soumises au Comité d’innovation routes et rues (CIRR), au travers de démonstrateurs mis en œuvre en vraie grandeur auprès de maîtres d’ouvrage volontaires.
Conclusion
Héritier d'une expertise historique dans le domaine des infrastructures de transport et des mobilités, le Cerema a su évoluer avec son environnement institutionnel, les enjeux scientifiques et techniques, et les attentes de la société pour penser avec tous les acteurs publics et privés l’avenir du réseau routier.
• En devenant le premier établissement à pilotage partagé entre l’État et les collectivités territoriales en 2023, il a instauré les conditions favorables à un dialogue partagé entre l’État, les collectivités et les acteurs privés du secteur des infrastructures.
• Depuis sa création, il n’a cessé d’évoluer pour répondre aux défis actuels des gestionnaires de réseaux routiers : adaptation au changement climatique, nouveaux procédés et innovations technologiques…
• Recherche et Innovation, indispensables pour préparer l’avenir des infrastructures, font partie intégrante des activités du Cerema.