Entretien du réseau autoroutier
Prévention des risques pour les personnels d’intervention
5 063 agents d’entretien et de sécurité assurent plus de 450 000 interventions par an sur les autoroutes françaises. En 2017, le bilan de la sécurité routière pour les usagers de l’autoroute est positif, et l’autoroute demeure cinq fois plus sûre que les autres réseaux. Malheureusement, ce bilan est terni par les trop nombreux accidents qui touchent les personnels en intervention, alors que leur sécurité est au centre des préoccupations des sociétés d’autoroutes.
Après deux années sans déplorer d’accident mortel, l’année 2017 a été marquée par le décès d’un patrouilleur, percuté par un poids-lourd sur l’autoroute A1 alors qu’il posait des cônes sur la chaussée. Cet accident mortel s’accompagne d’une recrudescence du nombre d’agents blessés : 16 en 2017, contre 9 l’année précédente.
Au total, 188 accidents, corporels et matériels, liés au trafic se sont produits, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à 2016 et de 77 % par rapport à 2014. Le baromètre Sécurité du personnel en intervention (figure 1), mis en place par l’Asfa (Association des sociétés françaises d’autoroutes), présente un suivi mensuel de ces accidents à fin 2017.
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4 accidents par semaine en moyenne : un bilan inacceptable
Les agents sont particulièrement vulnérables dans les zones de chantier, notamment lors de la pose et de la dépose de la signalisation, et dans les zones d’interventions d’urgence, en portant assistance aux usagers, soit au total 72 % des accidents recensés à fin 2017. Si ces accidents touchent principalement le personnel autoroutier, ils impliquent aussi d’autres intervenants (gendarmes, dépanneurs ou salariés d’entreprises extérieures) et peuvent avoir des conséquences sur la sécurité des usagers.
Dans la majorité des cas, ils se produisent en plein jour, sur des sections offrant une bonne visibilité, et lorsque les véhicules d’intervention sont visibles à plusieurs centaines de mètres (gyrophares, flèches lumineuses activées…). Malgré ces précautions, sur l’ensemble de l’année 2017, 186 véhicules d’intervention et équipements ont été heurtés, soit 4 accidents en moyenne par semaine, représentant le double de 2016. Si l’on y ajoute les accidents sur le réseau national non concédé, c’est près d’un fourgon par jour qui est percuté sur l’ensemble des réseaux autoroutiers.
L’inattention, avec l’usage de distracteurs au volant (smartphones, GPS, écrans…), la somnolence et le non-respect des limitations de vitesses et des distances de sécurité sont le plus souvent à l’origine de ces accidents. Un bilan inacceptable et autant de comportements à risque sur lesquels les sociétés d’autoroutes ont décidé d’agir, avec le souci constant d’adapter les mesures d’exploitation.
Leviers d’actions
Pour agir, les sociétés d’autoroutes disposent de trois leviers principaux : la réglementation, les actions de sensibilisation et de formation et l’innovation.
Évolution de la réglementation
Dans le domaine de la signalisation temporaire sur les chantiers et les interventions d’urgence, les sociétés d’autoroutes ont engagé des demandes d’évolution de la réglementation auprès des services de l’État en s’appuyant sur un processus d’expérimentation, indispensable avant toute mise en oeuvre pérenne d’équipements routiers innovants.
Ainsi, elles ont entre autres demandé l’autorisation d’expérimenter sur leurs réseaux un nouveau dispositif de signalisation temporaire de chantier par flèches lumineuses de rabattement (FLR) pour remplacer celui en vigueur (figure 2). Ces dispositifs d’avertissement sont particulièrement sensibles au trafic des poids lourds, qui circulent souvent en rang, avec des distances de sécurité réduites pouvant induire des changements de file tardifs, brusques, et donc des risques de collision. En 2017, 49 des 186 véhicules d’intervention et équipements heurtés étaient des FLR.
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Une étude des pratiques dans d’autres pays européens a mis en évidence une large utilisation des dispositifs de pré-signalisation sur bande d’arrêt d’urgence (BAU), avec en particulier des panneaux de type KD10 (rétrécissement de voie) et B14 (prescription de vitesse). L’expérimentation menée sur le réseau concédé (autoroutes A13, A31, A62 et A81), depuis deux ans et pour une durée de 3 ans, consiste à positionner le dispositif d’avertissement sur la BAU, à l’équiper de panneaux de type KD10-B14 ou KD10-AK5 (figures 3) et à augmenter la distance avec la FLR de position.
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En pré-signalant plus en amont la neutralisation de voie et en introduisant, dans l’une des deux configurations, une notion de limitation de vitesse jusqu’alors inexistante, ce nouveau dispositif vise l’amélioration de la sécurité en approche de chantier, avec une diminution des situations à risque (masquage des FLR par des poids lourds, par exemple) et des heurts de FLR en voie de droite par des poids lourds. Cette solution évite en outre d’exposer plus de personnel et réduit les risques pour les conducteurs.
Objectif atteint, selon les premières évaluations conduites par le Cerema, qui concluent sur une meilleure anticipation de l’ensemble des usagers lors de changements de voies (en particulier des chauffeurs de poids lourds), et une diminution des vitesses des autres véhicules de 7 à 10 km/h en moyenne lorsque la pré-signalisation est équipée du B14.
Ces résultats restent à confirmer au cours d’une deuxième phase et l’extension de l’expérimentation à la totalité des réseaux des sociétés impliquées (APRR, Area, Adelac, ASF, Cofiroute, Sanef et SAPN). L’arrêté du 9 août 2017, qui a autorisé cette extension, prévoit également l’utilisation du panonceau d’étendue M2 positionné sous le panneau B14 (figure 4) afin de dispenser les agents de la pose du panneau B31 de fin de prescription.
Sensibilisation intensive
Messages percutants
Des messages de sensibilisation sont diffusés tout au long de l’année sur les panneaux lumineux et les radios FM 107.7 pour faire prendre conscience aux conducteurs de la présence des agents qui travaillent pour leur sécurité. Certaines sociétés, comme Sanef, n’hésitent pas à personnifier les campagnes avec leurs propres personnels qui interpellent les clients en jouant la carte de l’humour (« Faut-il en arriver là pour que vous fassiez attention à nous ? ») ou en devenant les ambassadeurs de la sécurité sur autoroute (« Vous me voyez ? Ralentissez »).
Même démarche chez APRR et Area, où une campagne a mis à l’honneur les femmes et les hommes intervenant toute l’année sur le tracé pour la sécurité des automobilistes : les portraits de 16 d’entre eux ont été affichés sur les 470 fourgons sillonnant le réseau, accompagnés du message « Respectez sa vie, il [ou elle] protège la vôtre ».
Pour attirer l’attention des conducteurs et les inciter à adopter un comportement responsable, Vinci Autoroutes a lancé, l’été dernier, un concours ouvert à tous et appelant à l’imagination pour créer des nouveaux messages de sécurité. Volontairement décalées (« En jaune, je suis visible, pas invincible », « Tu vois jaune, tu ralentis ! »), les créations des lauréats ont été affichées sur les panneaux lumineux de l’ensemble du réseau, pour être vues par des millions d’automobilistes et largement partagées sur les réseaux sociaux.
Opérations alternatives
Mis en œuvre sur l’A13 fin novembre 2017, un autre axe de sensibilisation des sociétés développé avec les forces de l’ordre s’articule autour d’opérations pédagogiques d’alternative à la sanction destinées aux conducteurs en excès de vitesse dans une zone de travaux.
Les poids lourds, qui représentent 14 % du trafic, sont à l’origine de 58 % des accidents qui touchent le personnel sur le tracé. Des actions spécifiques sont mises en place par toutes les sociétés, telles Vinci Autoroutes, qui organise, avec des entreprises, des fédérations de transport et des organismes de formation, des opérations « Vis ma vie », durant lesquelles des conducteurs sont invités à participer à des balisages, afin de prendre conscience des risques auxquels les agents sont exposés.
Diverses campagnes d’affichage sont en outre déclinées et affichées au dos de poids lourds (« Saviez-vous que nous étions aussi proches ? »).
Pistes d’innovation
Réduire les risques auxquels sont exposés les agents passe par l’innovation technologique, et donc des expérimentations de la part des sociétés d’autoroutes, qui visent un principal objectif : la rapide mise en sécurité dès lors qu’un véhicule entre dans le périmètre d’intervention des agents. Ainsi, des dispositifs de détection et d’alerte de danger imminent sont testés sur le réseau Sanef, comme le dispositif SafeZone, ou encore sur ceux d’ASF, APRR et Sanef, partenaires du projet Yellow aux côtés d’entreprises et organismes de recherche (Ifsttar, Cerema).
Tous deux basés sur les mêmes principes, ces systèmes visent à détecter en amont des zones de chantiers ou d’intervention les véhicules qui ne se rabattent pas suffisamment tôt, grâce à des caméras intégrées aux fourgons et aux remorques FLR et FLU (flèches lumineuses d’urgence). Des dispositifs sonores ou visuels alertent alors les conducteurs, inattentifs ou somnolents, et les agents sur la zone.
Pour avertir les automobilistes, certaines sociétés mettent également en place une collaboration avec des fournisseurs d’applications d’aide à la conduite, tels que Waze, pour la création d’un pictogramme signalant les salariés et les véhicules en intervention aux utilisateurs de l’application.
Des dispositifs dans l’équipement des fourgons peuvent également améliorer les conditions d’intervention des agents. Ainsi, les systèmes de caméras de recul, les FLU décalables ou encore l’automatisation des systèmes de pose et de dépose des balisages sont testés par les sociétés et déployés progressivement sur certains réseaux (Area, ATMB…).
Conclusion
Pour stopper cette augmentation des accidents touchant les personnels qui interviennent au quotidien sur les réseaux, qu’ils soient routiers ou autoroutiers, il convient de s’appuyer sur les différents leviers d’action développés, ou en cours de développement.
Il n’existe pas de solution unique, mais c’est en conjuguant toutes ces initiatives et tous les efforts de recherche et d’innovation, et en associant l’ensemble des acteurs de la sécurité routière qu’il sera possible de réduire les accidents et les risques.
Arnaud Hary, président de l’Asfa, s’est exprimé sur l’opération de sensibilisation intensive à destination des conducteurs et du grand public, lancée les 20 et 21 octobre 2017, lors des Journées nationales pour la sécurité du réseau routier national et des autoroutes concédées.
Qu’est-ce qui a motivé ces journées ?
Arnaud Hary – Un constat catastrophique : l’augmentation de plus de 50 % du nombre d’accidents impliquant le personnel. En 2017, nous enregistrions 4 accidents par semaine et avions déploré 14 accidents corporels graves, dont un décès. Risquer sa vie au travail est inacceptable. Les routiers doivent être particulièrement sensibilisés à la situation, d’autant qu’un tiers des accidents se produit sur un balisage de chantier largement annoncé en amont, avec une visibilité parfaite. 50 % des accidents survenus en cas de balisage d’urgence impliquent une percussion de la flèche lumineuse, qui est visible à plusieurs centaines de mètres. Téléphones portables, écrans, réseaux sociaux, somnolence… outre la vitesse excessive, la distraction des conducteurs est inévitablement en cause.
Existe-t-il des moyens technologiques permettant de réduire le nombre d’accidents ?
A.H. – Nous réfléchissons actuellement à un système qui détecterait les véhicules au comportement à risque (zigzags, vitesse excessive…) et qui alerterait les agents autoroutiers du danger. Cela n’empêchera peut-être pas la collision, mais en réduira, du moins, la gravité. Avec les fournisseurs d’applications d’aide à la conduite, nous travaillons également à l’utilisation d’outils technologiques, comme la précision GPS, pour avertir les utilisateurs de l’application Waze de la présence d’un véhicule arrêté sur le parcours.
Les équipes d’agents intervenant sur les voies sont-elles assez formées ?
A.H. – La vigilance est primordiale pour les sociétés d’autoroutes et la sécurité est au cœur de l’action de nos personnels de terrain. Les protocoles de sécurité évoluent en permanence pour améliorer la protection des agents. En 2016, nous avons réalisé plus de 100 000 « rendez-vous sécurité » au sein de nos différentes entreprises. Nous avons de plus mis en place une action de formation des chauffeurs de poids lourds via les associations professionnelles. Toutefois, nous sommes confrontés à la difficulté d’impliquer les poids lourds étrangers dans nos formations.
Quels sont les projets pour 2018 ?
A.H. – La prévention des risques des personnels d’intervention est un sujet qui requiert une attention continue. Les journées des 20 et 21 octobre, organisées conjointement avec les agents des DIR (directions interdépartementales des routes), ne resteront pas sans lendemain : nous lançons une grande étude sur l’usage et l’effet des distracteurs, dont le téléphone portable, que nous soupçonnons d’être à l’origine de cette hausse d’accidents catastrophique, pour analyser les mécanismes de l’addiction aux écrans lors de la conduite. Il faudra travailler à une meilleure prise de conscience par les conducteurs des dangers auxquels ils s’exposent, eux-mêmes, mais aussi les autres, et notamment nos agents en intervention
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