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Portes ouvertes de l’Ascquer - Visite du site de certification et tests de mesure
Elsa AlfandariRédactrice/SR - RGRA

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La rédaction s’est rendue au centre de certification Ascquer (Association pour la certification et la qualification des équipements de la route) lors d’une journée coorganisée avec le Syndicat des équipements de la route (SER) et en présence de la présidente du Cerema, Marie-Claude Jarrot.

Plusieurs représentants d’entreprises de marquage (Aximum, Signature, Maestria, 3M et Isosign) ont été accueillis par des membres de l’Ascquer et du SER, à Crépy-en-Valois dans l’Oise, lors de la journée portes ouvertes en octobre dernier. Étaient également présents ce jour-là des représentants de la DREAL (direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement), de la DIR Nord (direction interdépartementale des Routes Nord) ainsi que la présidente du Cerema, Marie-Claude Jarrot.

Depuis bientôt trente ans, l’Ascquer certifie les équipements de la route en France. Cet organisme indépendant délivre la marque NF058 Équipements de la route (sous mandat Afnor) ainsi que le marquage CE dans le cadre du Règlement des produits de la construction (RPC). Il évalue tous les équipements de la route regroupés en cinq familles : la signalisation horizontale et verticale, les dispositifs de retenue, les produits électroniques et les produits de balisage. 

Son conseil d’administration est composé de fabricants (40  %), de maîtres d’ouvrage (40 %) et de laboratoires (20 %). L’association loi 1901 compte 7 salariés et affiche un chiffre d’affaires d’environ 2 M €. Ce partenariat entre entreprises, laboratoires et collectivités a un objectif commun : obtenir des produits compétitifs. 

À proximité de Crépy-en-Valois, le «  site de certification est unique en Europe, grâce à cette rampe longue de 2 km qui peut tester la résistance des peintures en fonction du nombre de passages de roues et des intempéries », a rappelé, en préambule de cette matinée, Hervé Mangnan, président de l’Ascquer. «  En Allemagne par exemple, la résistance est testée avec un manège de fatigue, ce qui ne permet pas de simuler des écarts de température, entre l’été et l’hiver, le jour et la nuit ». 

Puis Marie-Claude Jarrot s’est présentée comme « militante de l’aménagement du territoire ». « Bien que n’étant pas ingénieur, je connais bien les problématiques des collectivités en tant que maire de Montceau-les-Mines », a-t-elle fait valoir.

Une piste d'essais grandeur nature

La signalisation routière horizontale constitue un des premiers critères d’appréciation de la qualité d’une route pour les usagers. Performances et traçabilité des produits utilisés sont deux exigences à respecter impérativement. 

La piste d’essais de produits de marquage routier mise à disposition des industriels se situe sur la RN 2, à  Boissy-Fresnoy (où environ 18 000 véhicules circulent par jour), à la suite d’une convention conclue avec la DIR Nord. Ici, les produits de marquage sont soumis à des essais de performances et de durabilité, sous la forme d’essais normalisés sur route. Ils permettent de tester leur aptitude à l’usage et d’acquérir des données nécessaires pour la recherche sur les matériaux. Le centre d’essais accueille des innovations et contribue au développement de produits conventionnels plus performants en termes de visibilité et de durabilité.

Au fil des années, le site s’est agrandi pour accueillir le plus grand nombre d’entreprises et de typologies de produits soumis au trafic et aux cycles des saisons. Les campagnes d’application et de mesure sont réalisées annuellement sur site fermé à la circulation, la circulation étant basculée sur la chaussée opposée, comme lors de notre visite. Elles accueillent les techniciens des entreprises et fabricants, leurs matériels et produits aux fins d’application sous la supervision du Cerema, laboratoire d’essais de l’Ascquer.

Les produits des fabricants sont appliqués sur le sol et signalés par des repères. Un échantillon est prélevé sur chaque produit pour effectuer des essais d’identification chimique. Chaque repère fait l’objet d’une mesure des performances à l’état neuf : résistance à la glissance, visibilité... Ces essais sont répétés après 1  an sur les différentes bandes représentant différents passages de roues.

« Environ 200 à 300 produits émanant d’une vingtaine de sociétés françaises et étrangères sont testés chaque année. 20 % d’entre eux sont certifiés », précise Pierre Anelli, délégué général de l’Ascquer. « Ensuite, des visites en usine sont effectuées pour vérifier que le produit présente toujours la même composition chimique et que sa fabrication reste conforme. » Les produits de marquage routier fabriqués en France s’exportent bien. « Signature exporte par exemple dans 40 pays », se félicite François Chevalier (directeur industriel de SAR, société d’application routière).

Un cycle complet du produit

La mise en œuvre

Les essais de mise en œuvre vérifient l’aptitude des produits à la réalisation de marquages conformes en dimensions et en épaisseur, ainsi que leur capacité au séchage nécessaire à une bonne remise en circulation de la chaussée. Une fois appliqués, ils sont soumis aux conditions réelles d’ensoleillement, de température et précipitations, voire de déneigement, et à l’exposition au trafic routier. 

Les produits réussissant les essais routiers (applicabilité, séchage, performances), les essais d’aptitude au stockage prolongé et les essais de composition chimique peuvent alors prétendre à la certification. Ils sont appliqués à froid (peintures liquides et enduits à froid pâteux) ou à chaud (enduits à chaud en poudre fondus à environ 200 °C) ou peuvent être collés (bandes préfabriquées).

Sur chaque section d’un kilomètre, jusqu’à 350 repères environ peuvent être appliqués (photo 1). Des zones sont mises en place par société, séparées par une vingtaine de mètres.

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Jusqu’à 350 repères peuvent être appliqués sur la piste d’essais.
Jusqu’à 350 repères peuvent être appliqués sur la piste d’essais.
Ascquer

Le nombre de passages de roues sur la transversalité de la route est mesuré grâce à un système de capteur perfectionné. Ces comptages permettent de positionner un ensemble de bandes longitudinales, constituant un repère, pour pouvoir obtenir toutes les classes de roulage de la norme EN 1824.

Les tests de performances

Les performances des produits de marquage permanents (couleur, visibilité de jour, visibilité de nuit et anti-glissance) sont mesurées à l’état neuf (quelques jours après application) et après essai de durabilité (1 an, puis 2 ans le cas échéant) selon un nombre de passages de roues P1 (50 000 passages de roues) à P5 (1 million de passages après un an), voire P6 (2 millions de passages après 2 ans) (figure 1).

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Nombre de passages de roues sur le site d’essais de la RN2.
Nombre de passages de roues sur le site d’essais de la RN2.

Après un cycle climatique, les mêmes mesures seront faites sur chaque zone du marquage correspondant à une classe de roulage. Les analyses chimiques sont réalisées en parallèle. Elles servent à identifier les produits afin d’éviter toute modification de leur composition par la suite.

La visibilité est la première fonctionnalité attendue du marquage routier. Elle dépend de sa couleur (propriétés colorimétriques), de sa capacité à renvoyer la lumière (propriétés photométriques), ainsi que de son contraste visuel avec le revêtement de la chaussée. Ces propriétés optiques dépendent notamment de l’opacité et de la blancheur des produits, qu’on peut mesurer et trier par classes de performances.

Le premier test effectué ce jour-là concernait une peinture luminescente (Luminokrom). Sa performance visuelle, c’est-à-dire sa capacité à renvoyer la lumière, est vérifiée à l’aide d’un rétro-réflectomètre (avec ou sans eau) (photo 2). Cette mesure est appelée Qd (coefficient de luminance sous illumination diffuse). Quant au photomètre (photo 3), il mesure la visibilité résiduelle d’un marquage photoluminescent la nuit. Cette mesure expérimentale n’est pour le moment pas utilisée en certification.

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Le retro-réflectomètre mesure la visibilité du marquage de jour.
Le retro-réflectomètre mesure la visibilité du marquage de jour.
Ascquer

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Pour mesurer des peintures photoluminescentes on utilise un photomètre.
Pour mesurer des peintures photoluminescentes on utilise un photomètre.
Ascquer

Les marquages routiers diminuent mécaniquement l’adhérence des couches superficielles des chaussées. Pour limiter ces effets indésirables, les produits de marquage routiers doivent atteindre une valeur minimale de résistance à la glissance (coefficient SRT de 45, classe S1). 

La mesure de la résistance à la glissance a été effectuée grâce à un pendule SRT (photo 4), sur lequel est placé un patin mobile déterminant la mesure de frottement sur la surface de marquage. 

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Le pendule SRT sert à mesurer l’adhérence d’un marquage routier.
Le pendule SRT sert à mesurer l’adhérence d’un marquage routier.
Ascquer

« En général, il faut compter 2 ans entre le premier test et la certification d’un nouveau produit comme cette peinture photoluminescente. L’objectif des fabricants est de développer les produits ayant le meilleur ratio/durabilité  », explique Pierre Anelli.

Le deuxième essai concernait l’enlevabilité (certification TE) d’un marquage temporaire fabriqué par 3M (photo 5). Il s’agissait ici de vérifier sa capacité à être retiré manuellement et rapidement, sans laisser de résidu qui pourrait à terme endommager la chaussée (ou gêner la circulation des futures voitures autonomes). Ici aussi, le rétro-réflectomètre a été positionné sur la trace de la bande adhésive, puis sur l’enrobé vierge afin de pouvoir comparer les résultats (photo 2).

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Un marquage temporaire 3M en phase de test.
Un marquage temporaire 3M en phase de test.
Ascquer

UN SECTEUR EN PLEINE MUTATION

Les produits de marquage comportent des charges minérales (calcaire et/ou silice pour assurer la résistance à l’usure et à la glissance), des résines et plastifiants (pour l’application du produit, son séchage et sa tenue dans le temps), des opacifiants (comme le dioxyde de titane par exemple, assurant le pouvoir couvrant), ainsi que des microbilles de verre d’incorporation en usine (prémélange), voire des matériaux de saupoudrage mis en œuvre au moment de l’application sur site (microbilles de verre, granulats antidérapants ou mélange des deux).

Aujourd’hui, ces produits sont en pleine transformation et doivent respecter les normes écologiques. « Désormais, la peinture à l’eau est plus résistante que la peinture contenant des solvants », se réjouit Frédéric Ferret (directeur marketing opérationnel de SAR). La résine issue de produit pétrolier est remplacée par de la résine de pin pour ce qui concerne les enduits à chaud. On peut même utiliser des coquilles d’huître à la place des agents calcaires. De même, le dioxyde de titane (opacifiant) est de plus en plus remplacé par des matériaux ayant un moindre impact sur l’environnement et la santé humaine. « En 40 ans, nous sommes passé de 800 g de peinture nécessaires par m2 à 200  g pour la peinture à l’eau », ajoute Pierre Anelli.

CONCLUSION

Une cinquantaine de personnes ont répondu présentes lors de cette matinée afin de faire mieux connaître l’écosystème de la certification des différentes typologies de produits de marquage, l’expertise et les moyens exceptionnels disponibles sur ce site et enfin les laboratoires d’essais tel que le Cerema. 

L’objectif de cette journée était aussi de rappeler que le centre de certification de l’Ascquer est ouvert à l’innovation, telle que les peintures photoluminescentes ou les dispositifs d’alerte sonore (lorsqu’on quitte involontairement la route), dont un premier produit vient d’être certifié. « Le rôle du marquage routier est souvent minimisé ,alors qu’il intervient à trois niveaux : l’efficacité de la route avec la plus ou moins grande capacité du produit à supporter le trafic, ce qui va aider à gérer les flux ; la sécurité, le marquage permettant aux conducteurs d’adapter leur vitesse ; l’accessibilité, par un marquage adapté de jour comme de nuit à tous les âges, et notamment après 40 ans », résume le délégué général de l’Ascquer.

«  Ces tests effectués aujourd’hui montrent bien que le procédé de certification est vraiment un travail très méticuleux et primordial pour la sécurité routière », a reconnu pour sa part la présidente du Cerema. « Je serai votre messagère  », a-t-elle ajouté, tentant de rassurer les fabricants et les applicateurs sur le fait, que depuis deux ans, le Cerema a manqué d’agents pour les certifications, qui ont donc pris du retard. «  Il faut que nous conservions nos compétences au sein du Cerema pour les mettre au service des collectivités et conserver ce partenariat entre État, collectivité et entreprise ». De même, l’article 38 de la loi 3DS (décentralisation, différenciation, déconcentration et simplification), qui devrait bientôt être voté, « devrait nous donner la possibilité de travailler plus simplement avec les collectivités », a-t-elle conclu. 

Revue RGRA