Les crises agissent souvent comme des révélateurs, comme des accélérateurs des grandes évolutions sociétales. La pandémie de Covid-19 ne fera pas exception à la règle : des transformations des mobilités du quotidien aux réaménagements de la voirie, des nouveaux besoins aux nouvelles règlementations, des enjeux environnementaux aux enjeux sociétaux, les années qui viennent devraient être des années charnières menant vers de nouveaux systèmes de mobilité durable.
Indéniablement, une des grandes spécificités de ces nouveaux systèmes consistera à positionner chaque mode, qu’il soit partagé ou individuel, non plus en opposition face aux autres, mais comme un maillon spécifique d’une chaîne de mobilité durable au niveau d’un territoire. Il sera ainsi tout à la fois au service du voyageur, de la multimodalité et de l’environnement : l’ère du chacun pour soi et du silotage entre les modes prend fin, pour s’ouvrir sur l’ère de la complémentarité multimodale.
Les transports publics possèdent une longue expérience des réalités opérationnelles de la mise en oeuvre de cette complémentarité multimodale en fonction des flux, des horaires ou encore des usages. Mais, pour améliorer leur efficacité comme celle des autres modes, il y a un besoin urgent de rééquilibrage de l’usage de la voirie. Dans la très grande majorité des villes européennes, 50 à 60 % de l’espace public (stationnement compris) sont pour l’instant dévolus à un seul mode : l’automobile, dont la très grande majorité des usages est individuelle. Sur les trajets de moins de 5 km, le constat avant la crise était sans appel : alors que la congestion, la pollution et les risques pour la santé sont des maux unanimement reconnus, près de 40 % des déplacements domicile/travail sur ces courts trajets étaient réalisés par des autosolistes dans les villes françaises, hors Île-de-France.
L’enjeu fondamental des territoires est, dès aujourd’hui, de redonner de la fluidité, de l’espace et du temps à la mobilité des citoyens qui y vivent, tout en respectant l’environnement. Dans les années qui viennent, cet enjeu ne cessera de gagner en importance. Des piétons aux futurs taxis robots, des vélos aux bus à haut niveau de service, de la voiture particulière aux navettes autonomes, chaque mode doit pouvoir, en toute complémentarité et en toute sécurité, trouver sa place sans jamais nuire au bon fonctionnement des autres. C’est une question de juste équilibre à trouver en fonction de l’intérêt général.
La conception et la mise en œuvre de cette chaîne multimodale en faveur d’une mobilité durable demanderont l’implication de tous les acteurs concernés. Elles seront pensées de façon systémique, créant des passerelles entre mobilités individuelles et partagées, des voyageurs et des marchandises, physiques et numériques. Le défi est grand et il demandera aux différents modes de jouer la complémentarité, l’accessibilité et la flexibilité en fonction des usages du voyageur, mais aussi de la pertinence opérationnelle et environnementale de chacun d’eux.