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Projet d’aménagement de la ZAC du Mas Lombard, à Nîmes, par Eiffage Aménagement.
Eiffage

Les îlots de fraîcheur, contributeurs de bien-être
Marion AubratChargée de mission Infrastructures durables et biodiversité - Eiffage, Dimitri BoutleuxIngénieur paysagiste/urbaniste, concepteur et cofondateur de la revue Openfield, Ingrid Cheung Chin TunChargée de mission Ville et infrastructures durables - Eiffage, François DapillyResponsable de projet Innovations durables et coordinateur du programme de R & D E3S - Eiffage, Didier DoulsonChef de projet - Ville de Nîmes, Franck FaucheuxDirecteur du Développement commercial, Relations institutionnelles et Stratégie bas carbone - Eiffage Construction Grand-Ouest, Martin HendelIngénieur-docteur et enseignant-chercheur - ESIEE Paris, Diane PayrardChargée de mission Ville durable - Eiffage, Jean-Marc L’HuillierDirecteur technique  - Eiffage Route Grand Sud

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Les îlots de chaleur urbains sont devenus indissociables de nos villes modernes. Pourtant, cette situation n’est pas irréversible et ces zones peuvent être réparées. Eiffage livre ici, avec des experts, des collectivités, son analyse et les solutions techniques qui peuvent être mises en œuvre pour lutter contre la surchauffe urbaine.

L’îlot de chaleur urbain (ICU) est un phénomène d’élévation localisée de la température en milieu urbain par rapport aux zones rurales et forestières voisines, lié au couplage des activités humaines, de la morphologie urbaine et de l’imperméabilisation et artificialisation des sols urbains.

APPROCHE SOCIÉTALE

Cette augmentation de température significative entraîne l’inconfort des citadins, notamment des personnes vulnérables, comme les personnes âgées et les enfants. De plus, ce phénomène est exacerbé lors d’épisodes caniculaires en milieu urbain, qui deviennent plus fréquents avec le réchauffement climatique.

L’îlot urbain
L’îlot urbain est la plus petite unité spatiale de la géographie urbaine. C’est une portion de terrain qui accueille des constructions et qui est délimité par des voies de circulation. Le cœur d’îlot est la partie centrale d’un îlot, souvent laissé vide (cour ou jardin) ou construit de bâtiments bas.
(Source : Géoconfluences, ENS Lyon)

Depuis près de 20 ans – depuis la réglementation thermique 2000 –, la question des ICU apparaît dans la plupart des cahiers des charges de toute opération qui se respecte. En France, le sursaut d’intérêt qui a eu lieu lors de la canicule de 2003 s’est un peu dissipé ensuite. L’été 2019 et les records de température atteints sur tout le territoire français ont remis le sujet en première ligne, d’autant que l’inconfort n’a pas uniquement concerné les personnes vulnérables, mais bien l’ensemble de la population, exposée à plus de 43 °C.

Cet effet est particulièrement accentué dans les environnements urbains minéraux : lors de la canicule de 2003, une différence de 8 °C a par exemple été observée entre la ville de Paris et la périphérie (source : Cerema). À l’échelle du revêtement, on peut constater des écarts de température de surface de l’ordre de 20 °C entre une surface minéralisée et une surface de pleine terre (source : Apur).

La question est devenue simple et relève de la santé publique : comment supporter les canicules en ville ? La réponse est double. Il s’agit :

  • de réduire l’effet d’ICU en ville afin d’éviter et de limiter leurs impacts, en travaillant sur leurs causes : la morphologie urbaine (qui joue sur la ventilation naturelle par exemple via l’effet Venturi ou l’ombrage), les matériaux utilisés (qui, selon leurs caractéristiques, par exemple la couleur et l’albédo, stockent plus ou moins la chaleur), les surfaces artificialisées et imperméabilisées, et les activités humaines (climatisation, transports…) ;
  • de mettre en œuvre des îlots de fraîcheur urbains (IFU), en augmentant notamment la place de la nature en ville (eau et végétation), dont les bienfaits sont clairement démontrés et reconnus.
L’effet Venturi 
Il s’agit d’un phénomène d’accélération du mouvement d’un fluide (eau ou air par exemple), lorsque celui-ci est contraint de suivre un trajet en forme de goulot (chemin relativement allongé et plus étroit que l’endroit d’où il vient). Il y a augmentation de la vitesse du fluide lorsqu’il s’engage dans le goulot, et diminution de sa vitesse lorsqu’il en sort. Lorsqu’il est dompté et non subi, il peut apporter de la fraîcheur via une ventilation naturelle de certaines rues.
(Source : Météo France)

RÉPARER LA VILLE EXISTANTE

Le travail qui s’annonce pour les professionnels de l’urbain est celui du repérage de surfaces étanches et dénuées de végétation dans la ville existante et du diagnostic des problèmes en matière d’environnement et de santé publique : fortes chaleurs nocturnes pour les habitants, imperméabilisation contribuant aux inondations lors de pluies torrentielles de plus en plus fréquentes et mauvaise qualité de l’air du fait des émanations toxiques sous forte chaleur de certains matériaux de construction. Il s’agit également, pour les concepteurs, d’imposer à l’espace public un équilibre entre la place de la végétation, de la pleine terre et de l’eau et la qualité des revêtements (clair et drainant).

Cela pourrait aussi induire un bouleversement des hiérarchies, où l’expertise du paysagiste et du jardinier prendrait une place prépondérante dans les choix avec les concepteurs (urbanistes, collectivités, aménageurs), à l’image de l’appel à action « Pour une ville-nature »1, une tribune signée en 2019 par des professionnels de l’urbanisme, de l’architecture, de la construction, de la biodiversité et du génie écologique.

L’albédo 
Il représente l’énergie solaire réfléchie par rapport à l’énergie solaire reçue (énergie réfléchie/ énergie solaire). Il s’exprime en fraction de 0 à 1, où 0 représenterait une surface qui absorberait entièrement les rayonnements sans aucune réflexion. Ainsi, une surface dont l’albédo est inférieur à 0,03 (ou 3 %) est perçue comme noire ; celle dont l’albédo est supérieur à 0,8 (ou 80 %) est perçue comme blanche. Appliquée aux matériaux urbains, cette donnée physique détermine leur capacité d’absorption ou de réflexion de l’énergie reçue et ainsi leur température. Un matériau à faible albédo absorbe plus d’énergie, et donc de chaleur, sa température de surface sera alors plus élevée.
(Source : Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France)

Vers un nouvel exercice de l’aménagement urbain

Les cœurs d’îlot, souvent sans fonction autre que décorative, retrouvent ici un rôle stratégique pour assurer la qualité de (sur)vie des résidents du quartier en période de canicule. Il s’agit bien de reconsidérer les investissements et les efforts consentis à ce « délaissé » immobilier, au regard des bénéfices environnementaux, sanitaires et sociaux qu’ils peuvent générer.

Cet exercice de conception est nouveau car, pour anticiper l’augmentation de la chaleur, il faut en amont réunir des données sur les conditions météorologiques saisonnières, faire des hypothèses sur les activités humaines, tester des scénarios d’artificialisation voire d’imperméabilisation des sols urbains nécessaire à certaines fonctions (contrainte de roulement par exemple), simuler l’inconfort généré pour les hommes et les plantes…

Cet exercice doit aussi être clairement affirmé pour ne laisser aucun doute sur l’aggravation des épisodes caniculaires dont la récurrence est symptomatique des conséquences du dérèglement climatique (11 jours de canicule par an en moyenne en Île-de- France à l’horizon 2100). Ce sujet relève donc à la fois de la stratégie de résilience des villes au changement climatique et de la préservation de la santé publique, notamment des personnes vulnérables. De nombreuses collectivités se sont ainsi engagées dans des stratégies de lutte contre les ICU et cherchent à créer de manière expérimentale des « îlots » ou « parcours de fraîcheur » associant un panel d’actions complémentaires : mobilier urbain rafraîchissant et « cours d’école oasis » à Paris, parc spécialement conçu pour maximiser l’ombre des arbres et les bienfaits sur la santé à Lyon, routes repeintes en blanc à Los Angeles... Ces stratégies s’inscrivent également dans un cadre plus large d’adaptation au changement climatique, pour rendre les territoires plus résilients.

En tant qu’acteur de la ville durable et résiliente, Eiffage peut proposer des solutions systémiques et techniques pour réduire efficacement le phénomène d’ICU en concrétisant les îlots et parcours de fraîcheur. Ainsi, pour valider les idées préconçues acquises de l’expérience et des connaissances de spécialistes, Eiffage s’est engagé au travers d’un large programme de R & D dans des travaux de recherche en partenariat avec l’université Gustave Eiffel (UGE, fusion de 6 établissements de formation et de recherche spécialisés et reconnus dans les domaines de la ville durable, créée le 1er janvier 2001).

Deux ateliers, co-pilotés par des chercheurs de l’IAE Gustave Eiffel (École universitaire de management) et de l’ESIEE Paris (École supérieure d'ingénieurs en électrotechnique et électronique, membre de l’UGE), ont pour but d’objectiver par la science des conceptions et imaginaires urbanistiques :

  • L’un traite de la relation entre bien-être et nature en ville.
  • L’autre analyse les influences des matériaux, du circuit de l’eau, des ombres portées et de la végétalisation sur les températures au sol et dans l’air.
Témoignage : Nîmes, la ZAC du Mas Lombard
Didier Doulson, chef de projet, Ville de Nîmes

« Du fait de sa situation géographique, Nîmes est exposée à des situations météorologiques extrêmes, qu’il s’agisse des orages dits « cévenols » ou des pics de température estivale. Nous avons donc développé une culture du risque et un savoir-faire dans la conception d’un aménagement résilient du territoire. Ainsi, la planification de l’urbanisation intègre très en amont la question des risques, en vue d’une adaptation du territoire au changement climatique. Cette réflexion est menée à toutes les échelles du territoire, et en particulier dans l’urbanisme opérationnel quand il s’agit de concevoir des nouveaux quartiers.
Nous avons par ailleurs mis en place des outils efficaces de gestion des situations de crise. Parmi les multiples risques gérés dans le cadre du plan communal de secours, le risque canicule devient un risque émergent, auquel nous serons confrontés de plus en plus fréquemment. Il est clair que les enjeux de santé publique liés vont aussi être de plus en plus prégnants dans les années à venir.
C’est pourquoi nous sommes naturellement conduits à travailler sur ces nouveaux enjeux de lutte contre les ICU, dans le cadre de nos projets d’aménagement. Nous promouvons ainsi une conception prenant en compte ces enjeux, avec comme objectif la réalisation d’îlots de fraîcheur au sein des nouveaux quartiers.
Nous nous sommes par exemple engagés dans une démarche expérimentale de conception d’îlots de fraîcheur dans le futur quartier du Mas Lombard, en partenariat avec l’aménageur concessionnaire de la ZAC, le groupement Eiffage Aménagement – Eiffage Immobilier. Ce site de 46 hectares situé en extension urbaine comprend la réalisation de plus de 1 000 logements et équipements. Il a été retenu pour répondre aux objectifs d’écoquartier, en particulier dans ses ambitions de mixer le projet d’habitat avec des espaces d’agriculture urbaine et de créer un urbanisme laissant une grande place aux espaces de nature et d’eau.
a qualité du confort d’été sera un enjeu important pour les familles désireuses de s’y installer. Si nous ne pouvons pas agir sur les conditions météorologiques locales, nous pouvons influer, par la conception urbaine de ce nouveau quartier, sur les effets d’ICU dus aux formes urbaines et au traitement des espaces publics, qui participent à la constitution des ICU. Nous agirons également sur la conception des espaces d’agriculture urbaine, qui doivent répondre à des enjeux climatiques mais aussi de lien social, et enfin sur une gestion humaine à l’échelle du quartier, en période d’éventuelle crise caniculaire (espaces de fraîcheur refuges), en intégrant la gestion des équipements collectifs prévus sur le futur quartier et en prenant en compte les populations vulnérables (école, espace sportif, résidence intergénérationnelle…).
»

DÉMONSTRATEUR « ÎLOT DE FRAÎCHEUR » D’HYÈRES

Les aménagements urbains sont au cœur des métiers d’Eiffage Route. Pour répondre au mieux aux attentes des collectivités territoriales, l’entreprise a construit et instrumenté un dispositif scientifique « îlot de fraîcheur » à Hyères, dans le Var. Ce qui deviendra, à terme, un démonstrateur vise à étudier l’impact de différents types de revêtements (couleur, granulométrie, etc.) et de l’eau (circulation dédiée dans la chaussée, mur d’eau) sur la température et le confort thermique urbains.

Cet outil scientifique d’une surface de 100 m² comprend une plate-forme constituée (photos 1) :

  • d’une couche de surface, poreuse, claire, de type béton bitumineux drainant (BBDr) ;
  • d’une couche de liaison, dense, noire, de type béton bitumineux (BB) 0/6.3 ;
  • d’un système d’alimentation en eau par débordement en point haut ;
  • d’un système de récupération de l’eau en point bas ;
  • d’une structure réservoir en ballast pour stocker l’eau.

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Démonstrateur « îlot de fraîcheur » à l’agence Eiffage Route d’Hyères dans le Var.
Démonstrateur « îlot de fraîcheur » à l’agence Eiffage Route d’Hyères dans le Var.
DENA VILLANUEVA

La plate-forme est ceinte sur 3 côtés par des murs en béton armé, dont 1 équipé d’un système d’écoulement d’eau.

Grâce à l’installation de nombreux capteurs (thermomètres, hygromètres, pyranomètre), le démonstrateur peut mesurer l’impact des différentes configurations suivantes sur la température de surface des revêtements et dans l’air :

  • revêtement noir sec (BB 0/6) ;
  • revêtement noir arrosé en surface ;
  • revêtement drainant clair (BBDr 0/6) ;
  • revêtement drainant clair avec circulation d’eau à l’intérieur du drainant.
Chiffres clés
• 15 à 20 °C d’écart en plein soleil entre les températures de surface d’un revêtement clair et d’un revêtement sombre.
• Baisse du stress thermique de 1 à 3 °C environ grâce aux solutions techniques d’Eiffage Route.

L’instrumentation globale permet d’évaluer le niveau de stress thermique d’un piéton. Une première campagne de mesures a eu lieu au cours de l’été 2019. L’étude se poursuivra durant l’été 2020 en ajoutant le paramètre végétation afin de disposer de données objectives.

L’eau apportée aux surfaces contribue à limiter le stress thermique des usagers par son évaporation. De la même façon que lors de la transpiration du corps humain, l’eau apportée dans le démonstrateur absorbe une grande quantité de chaleur en s’évaporant. Ce faisant, la température des surfaces arrosées chute, limitant ainsi l’échauffement de l’air ambiant et le rayonnement thermique des matériaux sur les usagers. Pour suivre l’impact global de ces critères, une échelle de température équivalente est utilisée, caractérisant le niveau de stress thermique d’un piéton.

Dans le cadre d’expérimentations menées à Hyères2, des phases d’arrosage du revêtement noir ont montré une réduction de la température de l’air de l’ordre de 1 °C en conditions anticycloniques (ciel dégagé et faible vent). Cet ordre de grandeur rejoint des expérimentations similaires menées à Paris sur des revêtements standards.

La combinaison de cet effet avec la réduction du rayonnement thermique des matériaux se traduit par une réduction du stress thermique pouvant atteindre jusqu’à 3 °C en température équivalente. Cet effet est à comparer à celui de la création d’ombrage, qui réduit le stress thermique de 9 °C en ordre de grandeur.

Un autre levier mis en œuvre sur le démonstrateur d’Hyères est celui de la réflectivité des matériaux. En effet, plus les matériaux sont réfléchissants, moins ils s’échauffent lorsqu’ils sont ensoleillés.

Ainsi, la comparaison entre BB 0/6 noir et BBDr 0/6 clair montre une diminution de la température d’environ 2,5 °C en journée en faveur du revêtement clair. Ces matériaux plus réfléchissants requièrent alors moins d’eau pour un même effet rafraîchissant global. La couleur a un impact plus important sur les mesures d’albédo et de température de surface associées que la nature des matériaux, sauf pour les pierres naturelles, plus fraîches que leur réflectivité ne pourrait le laisser prévoir.

La figure 1 donne, pour différents matériaux, l’albédo mesuré ainsi que le différentiel de température entre la température de surface et la température ambiante.

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Surchauffe par rapport à l’air ambiant et réflectivité par revêtement.
Surchauffe par rapport à l’air ambiant et réflectivité par revêtement.

Les essais complémentaires qui seront réalisés sur le démonstrateur d’Hyères aideront à déterminer la contribution de ces deux leviers (eau et réflectivité des matériaux) pris individuellement et de leur association. À terme, l’ajout de végétation permettra d’analyser la combinaison des trois leviers ensemble.

LA NATURE COMME SOLUTION DE RAFRAÎCHISSEMENT

Nature en ville et services écosystémiques

La présence de nature en ville, constituée d’un socle végétation/sols vivants/infiltration de l’eau, apporte de nombreux bienfaits au travers des services écosystémiques qu’elle prodigue :

  • régulation du climat, notamment via la captation de CO2 par les arbres et les sols ;
  • rafraîchissement de l’air par évapotranspiration ;
  • soutien au cycle de l’eau, au travers de l’infiltration dans les sols, de l’épuration des eaux et de recharge des nappes phréatiques ;
  • ombrage ;
  • dépollution ;
  • rôle social et sanitaire.

Malgré cette longue liste non exhaustive, ce sujet n’est pourtant que trop rarement intégré dans sa vision large de la planification et de l’aménagement des territoires.

Contribution de la nature à la création d'îlots de fraîcheur

Le rafraîchissement permis par la nature est lié à la fois à l’ombrage dû à la végétation et au phénomène d’évapotranspiration, sorte de brumisateur naturel lié à la transpiration des végétaux. Le sol joue également un rôle important dans ce processus puisque de sa qualité dépend le bon développement des végétaux, la séquestration du carbone et une bonne infiltration des eaux. Pour créer des îlots de fraîcheur, il est important de reconcevoir l’urbanisme en (ré-)intégrant des espaces de nature – espaces verts tels que parcs et jardins –, mais aussi en intégrant au plan local d’urbanisme (PLU) des parcelles non constructibles, des chemins non revêtus, etc. (figure 2).

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La promenade plantée LaVallée, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine).
La promenade plantée LaVallée, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine).
BASE PAYSAGISTE URBANISTE

Planter de la végétation est essentiel, certes, mais pas n’importe laquelle ni n’importe comment. Il est important de privilégier les espèces d’origine locale, qui résisteront mieux aux intempéries et aux agents pathogènes (des labels existent, par exemple Végétal local), une diversité de strates de végétation et une diversité d’essences (figure 3). La végétation doit être privilégiée en pleine terre, mais peut également être mise en place dans des bacs hors sols ou semi-enterrés, ou sur des toitures et façades végétalisées. La disposition des plants joue quant à elle sur le degré d’ombrage et les courants de vent.

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Les identités végétales de LaVallée, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine).
Les identités végétales de LaVallée, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine).
BASE PAYSAGISTE URBANISTE

Ces plantations doivent s’accompagner d’une étude de la qualité des sols pour orienter les décisions d’aménagement. Un sol peu fertile peut alors être retravaillé grâce à un mélange de matériaux techniques et organiques pour recouvrer ses fonctions essentielles de support de développement de végétaux, de captation de CO2 et de dépollution de l’eau. Un sol pollué peut faire l’objet de dépollution, sujet particulièrement sensible dans le cas où le terrain est amené à être fréquenté par des enfants (mettant la terre à la bouche), foulé par des coureurs (inhalant les poussières soulevées) ou est voué à servir de support à des espèces pouvant servir à l’alimentation (plantes aromatiques, arbres fruitiers), car une partie des polluants, tels que les métaux lourds, peuvent être accumulés dans les plantes.

La question de la gestion de l’eau est par ailleurs essentielle dans la recherche d’îlots de fraîcheur, les sols non drainés contribuant à une bonne infiltration des eaux et une bonne évapotranspiration des espèces végétales. Des noues végétalisées peuvent également être mises en place pour canaliser et infiltrer l’eau excédentaire, ces espaces jouant ainsi leur rôle de rafraîchissement.

Il convient de noter que certaines de ces techniques, comme les noues et les toitures végétalisées, nécessitent un entretien devant être anticipé.

Ce coût est cependant à mettre en perspective vis-à- vis des externalités positives apportées par la nature en ville, offrant confort et bien-être aux habitants et permettant la résilience de la ville.

Témoignage : le vivant, axe central de la conception urbaine
Dimitri Boutleux, ingénieur paysagiste/urbaniste, concepteur et co-fondateur de la revue Openfield

« Chaque génération de concepteur et d’urbaniste s’inspire du passé et redécouvre en les réinterprétant les qualités de tel ou tel modèle urbain ou de certains principes de construction. Alors que les bouleversements climatiques sont à l’œuvre, avons-nous encore le temps et le luxe de revisiter à la marge la manière de concevoir la ville ? Concernant la lutte contre les îlots de chaleur, la nature en ville est le sujet auquel, à juste titre, tout le monde s’intéresse à la fois pour sa symbolique en période de crise écologique, sa portée politique et la légitimité à y avoir recours tant elle s’avère efficace avec un coût de fonctionnement quasi nul. Dans ce regain d’intérêt, saurons-nous changer de paradigme en la considérant autrement qu’un mobilier* ou pour ses qualités esthétiques ?
L’espace public n’est pas en reste : imperméabilisé par commodité, environ 70 % de la surface urbaine est consacrée à la voiture alors qu’elle représente moins de 20 % des trajets effectués en villes. Le travail sur des revêtements moins impactants en termes de chaleur est certes un élan intéressant, mais un rééquilibrage en faveur des modes doux et de la nature en ville est nécessaire afin de garantir la pérennité du modèle urbain. Ceci ne peut se faire qu’en introduisant la nature dans une conception holistique des formes urbaines.
Nous devons concevoir les trames vertes, bleues et brunes comme une infrastructure majeure autour de laquelle la ville s’organise. La terre infiltre l’eau, qui est ensuite évapotranspirée par la végétation. Il n’y a pas à rougir de la sobriété de ce phénomène pour ne pas en faire l’élément de la résilience urbaine et le principe de base des aménagements. C’est un constat : l’écosystème urbain est majoritairement rudimentaire ; il est important de développer les facteurs pouvant amener de la rugosité.
Les coefficients de biodiversité initiés en Allemagne et certains PLU en France sont de bonnes mesures. Il est désormais nécessaire d’aller plus loin. Le vivant doit être l’axe central de la conception urbaine, l’architecture et les formes urbaines interagissant avec et l’accompagnant et non l’inverse. À l’image des cités végétales de l’illustrateur belge Luc Schuiten, il est urgent, dans nos conceptions architecturales et paysagères, de renouer avec une part d’utopie afin de continuer à percevoir la ville comme l’œuvre de l’humanité et qu’elle lui reste hospitalière. À la densité, nous devons avoir le courage d’associer la générosité d’une expression paysagère et naturelle, devenue la condition sine qua non de la qualité de vie urbaine. »

*Selon l’article 518 du Code civil, l’arbre est considéré comme un immeuble. Il est présumé appartenir au propriétaire du sol sur lequel il est implanté.

CONCLUSION

La ville, ses usages et ses fonctionnements sont à repenser. Il ne s’agit pas de faire la campagne à la ville, mais certainement, dans une vision globale, de rééquilibrer les différentes composantes de la ville, notamment :

  • le réseau routier ;
  • le réseau des déplacements doux ;
  • le réseau végétal.

Le réseau routier doit contribuer au déplacement des transports en commun, des véhicules motorisés individuels, en assurant pérennité, sécurité et confort. D’autres fonctionnalités peuvent y être adjointes, comme la réduction du bruit, la drainabilité ou encore la lutte contre les ICU. L’entretien de ce réseau est un enjeu essentiel qui doit être pensé dans une logique d’économie circulaire, sobre et à faible impact carbone. En développant Biophalt®, un enrobé à fort taux de recyclés et avec un liant végétal, Eiffage propose dans ce domaine une solution efficace.

Le réseau dédié au mode de déplacement doux, s’il doit lui aussi assurer sécurité et confort, offre également la possibilité de désimperméabiliser la ville. Pour cela, Eiffage innove et développe Biokrom®, une nouvelle génération de revêtements végétaux, perméables, clairs, et dont l’impact carbone est neutre.

Cette solution aide tout à la fois à lutter contre les inondations, à recharger les nappes phréatiques, mais aussi à réduire les ICU.

Enfin, le réseau végétal peut lui aussi lutter contre les inondations, réguler la température dans la ville, favoriser la biodiversité et renforcer la convivialité et le bien-être.

La coopération entre tous les acteurs – maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, architectes, urbanistes, paysagistes et entreprises de la construction – est la clé de ce changement.

RÉFÉRENCES

1. D. Breuiller, P. Darmet, F. de Mazières, C. Muller, J.-P. Siblet et al., « Pour une ville-nature !, L’Opinion, 19 juillet 2019.

2. M. Frère, « Îlot de fraîcheur 2019 – Eiffage Route Grand Sud/LIED (laboratoire interdisciplinaire des énergies de demain) », projet de fin d’études (PFE), université Paris Diderot.

Revue RGRA