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Piste cyclable en béton compacté routier (BCR) avec 100 % de gravillons et de sable recyclés
DANS LE CHAMPS POUR SPIE BATIGNOLLES MALET

Recyclage du béton : des granulats à valoriser dans des bétons de qualité
Cédric Le GouilDirecteur Routes & Terrassements  - France Ciment

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Dans un contexte de sobriété environnementale, le béton, matériau 100 % recyclable, joue un rôle clé dans l'économie circulaire de la construction. En valorisant les granulats recyclés, il permet de préserver les ressources naturelles, réduire les déchets et diminuer les émissions de CO2. Les innovations normatives et les projets collaboratifs, comme Recybéton, ont récemment transformé les pratiques pour intégrer davantage de matériaux recyclés dans les bétons de qualité, favorisant ainsi des solutions durables et performantes pour des infrastructures modernes.

À retenir• Le béton, matériau recyclable jusqu’à 100 %, favorise l'économie circulaire dans la construction, réduisant ainsi l'extraction de ressources naturelles et la mise en décharge.
• Le recyclage du béton diminue les transports et les émissions de CO2, notamment près des grandes agglomérations où les matériaux recyclés sont abondants.
• Les granulats de béton recyclé (GBR) sont valorisés à 80 % dans les remblais et sous-couches routières, les 20 % restants étant dirigés vers des installations de stockage.
• Les granulats recyclés peuvent remplacer les granulats naturels dans les bétons, conformément aux normes NF P 18-545 et NF EN 206+A2/CN.
• Le projet Recybéton a validé la conformité des bétons recyclés aux exigences techniques et environnementales, permettant des taux d'incorporation plus élevés.
• Des exemples concrets montrent l'utilisation de granulats recyclés dans divers ouvrages, comme des pistes cyclables et des aménagements urbains, avec des taux de substitution allant jusqu'à 100 %.

Dans un contexte environnemental où sobriété et optimisation globale des solutions de construction sont devenues des priorités, le béton a encore une carte à jouer. En effet, le béton étant un matériau 100 % recyclable, il est un candidat de premier ordre pour favoriser l’économie circulaire dans la construction et ainsi tirer des bénéfices environnementaux, techniques et économiques tels que :

  • la préservation des ressources naturelles en limitant leur extraction (plus de 300 Mt prélevées chaque année, dont la grande majorité est utilisée pour la construction ou l'entretien dans les travaux publics) ;
  • la diminution de la mise en décharge et la valorisation des « déchets nobles » en leur conférant une seconde vie dans un usage adapté à leur qualité : 240 Mt de déchets annuels pour le BTP en France, dont 42 Mt pour le bâtiment et 18 Mt de bétons de construction1 ;
  • la réduction des transports (qui représentent environ 25 % des émissions de CO2 à l’échelle de la France), phénomène amplifié à proximité des grandes agglomérations, où les gisements naturels sont rares et la présence/disponibilité de matériaux recyclés importante.

Le béton est déjà valorisé à plus de 80 %, principalement sous forme de granulats dans les remblais, sous-couches ou fondations des structures routières. L’ensemble de ces valorisations représente un marché de 14,5 Mt, soit 80 % des tonnages de béton déconstruit, correspondant à une économie équivalente en ressources naturelles.

Les 20 % restants sont aujourd’hui dirigés vers des installations de stockage de déchets inertes (ISDI), car les démolitions sans tri ou la distance entre les chantiers et les installations de traitement ne permettent pas toujours une valorisation économiquement acceptable. C’est notamment le cas en zone rurale.

Le béton peut également se recycler avec une plus forte valeur ajoutée : en remplacement des granulats naturels conformes à une utilisation béton, tels que définis par les normes NF P 18-545, NF EN 12620 et NF EN 206+A2/CN2-4. C’est notamment à ce potentiel de valorisation que cet article est consacré.

Origine des matériaux de déconstruction

Il faut distinguer deux types de flux de bétons recyclables ou valorisables1 :

  • ceux issus des procédés de fabrication (usine de préfabrication ou unité de production de béton prêt à l’emploi – BPE) et des retours de chantier ;
  • ceux issus de la déconstruction.

Les déchets de béton générés par la fabrication ont plusieurs origines : déchets de béton frais, déchets de béton durci, rebuts de fabrication et retours de chantiers. Ils peuvent être réintégrés in situ (usine de préfabrication ou unité de production de BPE) pour la fabrication de nouveaux produits ou recyclés une fois durcis, sans nécessité de tri complémentaire, dans des installations de concassage.

La chaîne de transformation du béton s’organise de la façon suivante5 :

  • démolition ou déconstruction d’un ouvrage ;
  • tri des gravats et collecte des déchets de béton, évacuation des matériaux « contaminants » (plâtre, polystyrène, bois…) ;
  • concassage du béton en granulats et déferraillage ;
  • éventuels traitements supplémentaires pour nettoyer les granulats ;
  • criblage pour trier les granulats selon leur diamètre (granulométrie) ;
  • contrôle qualité ;
  • stockage avant revalorisation (photo 1).

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Stockage de granulats de béton recyclé après criblage
Stockage de granulats de béton recyclé après criblage
INFOCIMENTS

Pour obtenir des GBR (granulats de béton recyclé) de qualité, leur tri et leur traitement sont essentiels.

Granulats issus du recyclage

À noterUn béton incorporant moins de 1% de granulats recyclés est considéré comme un béton de granulats naturels.

Parmi les granulats issus du recyclage, il convient de distinguer les granulats recyclés et les granulats de prémélange, dont les exigences sont définies dans la norme NF EN 206+A2/CN de 20224, 6 :

  • Les granulats recyclés sont des granulats résultant de la transformation de matériaux inorganiques antérieurement utilisés dans la construction. Tout mélange entre un granulat naturel et un granulat recyclé qui ne correspond pas à la définition du granulat de prémélange ci-dessous est un granulat recyclé.
  • Les granulats de prémélange sont obtenus par mélange de granulats recyclés et de granulats naturels (gravillons naturels et recyclés, ou sables naturels et recyclés, ou graves naturelles et recyclées), selon des pourcentages définis des granulats. Ils sont désignés par les lettres Tx, suivies d’un nombre correspondant à la valeur de référence du pourcentage massique de granulats recyclés dans les granulats de prémélange. Par exemple, Tx10 signifie que la valeur de référence du taux de granulats recyclés dans les granulats de prémélange est de 10 %.

Les granulats issus du recyclage utilisables dans les bétons normalisés doivent être conformes aux normes NF EN 12620+A1 et NF P 18-545. Obtenus par traitement de matériaux minéraux auparavant utilisés en construction, il convient de bien distinguer :

  • les granulats recyclés, obtenus par traitement de matériaux auparavant utilisés en construction ;
  • les granulats récupérés par lavage du béton frais ;
  • les granulats récupérés par concassage du béton durci, qui n’a pas été précédemment utilisé en construction.

Granulats recyclés

La norme NF P 18-545 définit trois types de granulats recyclés, que l’on distingue principalement par leurs différences de composition, leurs caractéristiques et les fréquences d’essais de contrôle associées (tableau 1) :

  • type 1 : toutes les caractéristiques sont CRB ;
  • type 2 : toutes les caractéristiques sont CRB ou CRC ;
  • type 3 : toutes les caractéristiques sont CRB ou CRC ou CRD.

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Classifi cation des granulats recyclés selon les constituants (norme NF EN 206+A2/CN)
Classifi cation des granulats recyclés selon les constituants (norme NF EN 206+A2/CN)

Les différents éléments contenus dans un granulat recyclé sont désignés par les abréviations suivantes :

  • Rc : bétons, produits en béton, mortiers, éléments de maçonnerie en béton ;
  • Ru : granulats non liés, pierres naturelles, granulats traités aux liants hydrauliques ;
  • Rcu = Rc + Ru ;
  • Rg : verres ;
  • Rcug = Rc + Ru+ Rg ;
  • Ra : matériaux bitumineux ;
  • Rb : éléments en argile cuite (briques, tuiles), éléments en silicate de calcium, béton cellulaire non flottant ;
  • X : argiles, sols, métaux, bois, plastiques, caoutchouc non flottant, plâtre ;
  • XRg = X + Rg ;
  • FL : matériaux flottants.

Seuls les types 1 et 2 peuvent être utilisés dans les bétons au sens de la norme NF EN 206+A2/CN. En termes de composition, le type 1, qui définit les « meilleurs » granulats recyclés, doit contenir à minima 95 % en masse de constituants Rc ou Ru, qui désignent les matériaux minéraux liés aux liants hydrauliques ou non liés.

Le type 1 contient donc moins de 5 % d’autres éléments de type Rb, Ra, XRg et FL, qui désignent le reste des matériaux recyclés provenant de la déconstruction et de nature moins propice à une valorisation dans les bétons.

Ces types conditionnent ensuite leurs pourcentages d’incorporation dans les bétons en fonction des classes d’exposition, le type 3 n’étant pas utilisable pour les bétons de structure.

Valorisation des granulats recyclés dans les bétons

Les normes ont autorisé l’introduction de granulats recyclés dans les bétons dès 2014. Mais la valorisation à grande échelle des matériaux issus de l’économie circulaire dans des bétons de structure nécessitait un travail scientifique collectif permettant de valider la conformité des bétons recyclés aux nombreuses exigences techniques, de durabilité et de sécurité des ouvrages, ainsi que leur intérêt d’un point de vue environnemental et économique.

C’est dans ce cadre d’une envie partagée de promouvoir le recyclage du béton dans le béton que le projet national Recybéton, programme collaboratif de recherche et développement ayant associé maîtres d’ouvrage, entreprises, fabricants de matériaux, ingénieurs… a été mené de 2012 à 2018.

Recybéton a donné lieu à de nombreuses études en laboratoire et in situ dont les résultats sont accessibles publiquement7.

À l’issue du projet projet national Recybéton, dont les recommandations sont parues en 2018, les normes granulats NF P 18-545 et béton NF EN 206+A2/CN ont été mises à jour respectivement en 2021 et 2022 afin d’actualiser les spécifications particulières auxquelles doivent répondre les granulats recyclés et les règles d’introduction de ces matériaux dans les bétons.

Des taux d’incorporation sensiblement plus élevés sont désormais autorisés, selon les types de granulats recyclés et les classes d’exposition du béton (carbonatation, corrosion induite par les chlorures, gel/dégel…), avec des règles de dimensionnement adaptées pour le béton armé et précontraint.

Les classes de taux de substitution en granulats recyclés sont définies allant de R0 à R7 pour les bétons contenant plus de 1 % de granulats recyclés en masse par rapport à la masse totale de granulats. À chacune de ces classes correspondent des plages de taux de substitution dépendant du type de granulat (tableau 2).

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Classes de taux de substitution des granulats recyclés dans le béton (norme NF EN 206+A2/CN)
Classes de taux de substitution des granulats recyclés dans le béton (norme NF EN 206+A2/CN)

Suivant le type de granulats recyclés et la classe d’exposition des bétons mis en œuvre, la norme béton définit le pourcentage maximal de matériaux recyclés (en masse) pouvant être introduits en substitution des granulats naturels (tableau 3). Des pourcentages supérieurs (jusque 100 %) peuvent toutefois être envisagés s’ils sont justifiés par une approche performantielle.

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Exemple du cas des granulats recyclés de type 1 (norme NF EN 206+A2/CN)
Exemple du cas des granulats recyclés de type 1 (norme NF EN 206+A2/CN)

Dépassement des limites de recyclage dans les bétons

Les limites de pourcentage maximal de matériaux recyclés ont été posées dans la norme NF EN 206+A2/CN afin de garantir la durabilité des bétons de structure des ouvrages (50 ans minimum) en considérant des contraintes parfois spécifiques aux bâtiments (comme le fluage, la résistance au feu, la carbonatation des armatures…) et définies dans l’Eurocode EC2 (future norme NF EN 1992-1-1/NA/A1 et NF EN 1992-1-2/NA).

Pour le béton armé, non armé et faiblement armé, hors calcul au feu :

  • En classes R0 et R1, les relations de la norme NF EN 1992-1-1 donnant les propriétés du béton sont inchangées.
  • En classes R2 et R3, les relations du tableau 2 de la (future) norme NF EN 1992-1-1/NA/A1 ou les valeurs des propriétés du béton mesurées doivent être utilisées.
  • En classe R4 et au-delà, seuls des granulats recyclés correspondant à un lot identifié peuvent être utilisés et les valeurs des propriétés du béton à employer doivent être mesurées.

Pour le calcul au feu, il convient de se reporter à l’amendement NF EN 1992-1-2/NA/A2.

Dans le cas des ouvrages d’art (ouvrages de durabilité 100 ans ou plus), le fascicule 65 du CCTG Travaux limite, sauf dispositions différentes du marché, à l’emploi de gravillons recyclés de type 1, imposant qu’ils soient issus de la déconstruction d’ouvrages d’art et que la traçabilité soit assurée. Ces gravillons recyclés de type 1 peuvent être utilisés pour des bétons de classe de résistance inférieure ou égale à C35/45 en classe XC1, XC2, XC3, XC4 ou XF1 avec un taux maximum de substitution de 20 %, qu’ils soient utilisés directement ou sous forme de granulats de prémélange.

Mais il est possible, techniquement et tout en maintenant la durabilité des ouvrages, de dépasser les seuils fixés par la norme et d’aller jusqu’à 100 % de recyclage du béton dans le béton (généralement les gravillons), notamment pour des ouvrages de bétons routiers ou d’aménagement, comme cela a été montré en laboratoire et réalisé sur de nombreux sites.

Exemples d’ouvrages incorporant des bétons recyclés

Bétons recyclés conformes aux recommandations des normes

Poste de stationnement avion (photo 2)

  • Béton de chaussée aéronautique BC6, classe d’exposition XF4
  • Finition balayée
  • Granulats recyclés de type 1 issus des anciennes dalles bétons aéronautiques démolies sur la plateforme
  • 20 % de gravillons de béton recyclé 4/20 mm

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Poste de stationnement avion
Poste de stationnement avion
GROUPE NGE ET JDC AIRPORTS

Aménagement urbain (photo 3)

  • Béton de classe mécanique C35/45, classe d’exposition XD3
  • Finition balayée
  • Granulats recyclés de type 1 issus du recyclage de bétons divers
  • 30 % de gravillons de béton recyclé

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Pôle gare à Aubergenville (Yvelines)
Pôle gare à Aubergenville (Yvelines)
EUROTECH FLOOR

Piste cyclable (photo 4)

  • Béton BC4, classe d’exposition XF1
  • Finition balayée
  • Granulats recyclés de type 1 issus de la démolition de tours d’habitations
  • 20 à 50 % de gravillons recyclés 4/20 mm (sable naturel)

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Voie verte en périphérie de Bordeaux
Voie verte en périphérie de Bordeaux
CEMEX

Bétons recyclés « HCAN » (hors champ d’application de la norme)

Parvis et aménagement urbain (photo 5)

  • Béton BC3 (classe mécanique C25/30)
  • Finition sablée – micro désactivée
  • Granulats recyclés de type 1 issus du recyclage de bétons divers
  • 100 % de gravillons recyclés (sable naturel)

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Parvis à Orsay (Essonne)
Parvis à Orsay (Essonne)
CÉDRIC LE GOUIL

Aménagement urbain incorporant des granulats recyclés de type 2 (photo 6)

  • Béton de voirie
  • Finition désactivée
  • Granulats recyclés de type 2 issus de la démolition de l’ancien site
  • 100 % de gravillons recyclés 8/16 mm (sable marin local)

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Voie douce à Villeneuve-d'Ascq (Nord)
Voie douce à Villeneuve-d'Ascq (Nord)
ARNAUD DELEEST

Aménagement pour un giratoire (terre-plein et anneau central) (photo 7)

  • Béton BC3 fibré
  • Finition balayée
  • Granulats recyclés de type 1 issus de la déconstruction de poteaux EDF
  • 100 % de gravillons recyclés 4/16 mm (sable alluvionnaire local)

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Giratoire à Velaine-en-Haye (Meurthe-et-Moselle)
Giratoire à Velaine-en-Haye (Meurthe-et-Moselle)
CARLOS DA SILVA/VICAT

Place difficile d’accès (photo 8)

Compte tenu de l’emplacement du chantier, livraison par bétonnières portées ou « toupies » n’était pas possible.

  • Béton de classe mécanique C30/37
  • Finition poncée
  • Gravillons 8/20 et 20/40 mm recyclés de type 1 issus de la déconstruction du parvis existant pour limiter au maximum l’approvisionnement de matériaux extérieurs
  • 60 % de gravillons recyclés au total avec 100 % de gravillons recyclés 8/20 mm (sable naturel)

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Fort de la Bastille à Grenoble
Fort de la Bastille à Grenoble
PIERRE JAYET/GROUPE SOLS

Impact des granulats recyclés sur la durabilité

L’introduction de granulats recyclés dans le béton induit un supplément de porosité du matériau, qui peut modifier certaines propriétés intervenant dans la durée de vie de l’ouvrage en béton8. En effet, en dehors des approches purement structurelles et mécaniques, il faut également considérer des facteurs comme la carbonatation ou la pénétration des chlorures dans les ouvrages, qui peuvent écourter la durée de vie, notamment du fait de l’interaction avec d’autres matériaux. Ainsi, la corrosion de l’acier est, à ce jour, la première cause de dégradation des ouvrages en béton.

Le projet Recybéton a analysé en laboratoire toutes les propriétés du béton qui gouvernent sa durabilité, comme les propriétés de transfert. Ces propriétés décrivent la capacité du béton à s’opposer à la pénétration d’agents extérieurs agressifs (chlorure présent dans l’eau de mer, oxygène et CO2 impactant l’alcalinité interne du béton et pouvant entraîner une corrosion prématurée des armatures en acier…). Le comportement au gel/dégel et les risques de réaction de gonflement (liés à l’alcali-réaction ou d’origine sulfatique) ont été également appréhendés.

Le béton est constitué d’environ 70 % de granulats et de 30 % de matrice cimentaire. Lorsqu’on substitue une partie des granulats naturels par des recyclés, la phase granulaire devient plus poreuse. Pour des taux de recyclages élevés, on améliore la matrice par réduction de sa porosité propre. C’est l’origine de la réduction du dosage en eau efficace rapporté au liant équivalent du béton autorisée dans le tableau NA8A de la norme NF EN 206+A2/CN (tableau 3), qui permet de maintenir l’ensemble des propriétés gouvernant la durabilité du béton armé.

Limites au recyclage du béton dans le béton

Le recyclage du béton comporte certaines limites qui s’imposent ou qu’il faut se donner.

La disponibilité des matériaux recyclés

Même si les plateformes de recyclage se sont fortement développées ces dernières années, tant sur leur nombre que sur la qualité d’élaboration des matériaux qu’elles proposent, le maillage national est assez déséquilibré et la quantité disponible de granulats recyclés de qualité n’est pas toujours en adéquation avec la demande qui pourrait en être faite.

La technique

Dans la plupart des cas, les granulats recyclés, même conformes aux exigences de qualité spécifiées dans les différentes normes, sont intrinsèquement moins performants que les granulats naturels. Cela est particulièrement vrai pour deux caractéristiques : leur dureté et leur porosité.

Leur dureté, mesurée par exemple au travers de l’essai de fragmentation Los Angeles, est généralement plus faible que celle des granulats naturels. Cela aura pour conséquence, par exemple, de limiter les taux de recyclage si l’on vise l’obtention de bétons à résistance élevée.

Leur porosité, mesurée via l’essai d’absorption d’eau, est plus élevée en raison de la pâte cimentaire enrobant la roche naturelle utilisée pour fabriquer le béton d’origine. Cela aura pour conséquence un besoin en eau plus important dans le béton frais et d’éventuelles difficultés de fabrication pour éviter l’absorption de l’eau et des adjuvants par les matériaux recyclés.

Dans les bétons coulés et vibrés, il n’y a pas de conséquence significative pour ce qui concerne les gravillons recyclés (d > 4 mm), car l’expérience montre que les dosages de substitution dans les ouvrages en béton à plat peuvent facilement atteindre les limites de la norme NF EN 206+A2/CN, voire les dépasser sans poser de problème. En revanche, pour le sable recyclé, sa plus forte porosité qu’un sable naturel (entre 8-12 % contre 0,5 à 2 %) tend à limiter son usage à des dosages plus raisonnés, sans dépasser les limites fixées par la norme. Ceci n’est pas forcément vérifié dans le cas des bétons compactés, pour lesquels l’utilisation de sable recyclé à fort taux peut être envisagée en prenant les précautions de fabrication qui s’imposent, notamment en termes de saturation et de maîtrise du dosage en eau des granulats.

L’économie

Suivant le contexte du chantier, la nature des granulats de béton recyclé et leur dosage dans la formule de béton, un surcoût pourra être généré, lié aux prix des recyclés eux-mêmes ou à l’augmentation des dosages en ciment et ou adjuvants nécessaires à l’obtention des performances recherchées.

Les enjeux environnementaux

Intégrer du recyclé dans une formule de béton sera toujours bénéfique pour éviter l’épuisement des ressources naturelles.

Mais est-ce que la limitation du prélèvement des ressources naturelles en valorisant des recyclés doit prendre le pas sur d’autres indicateurs comme l’émission de gaz à effet de serre, la consommation d’énergie ou encore la consommation d’eau ? La réponse réside dans une évaluation qui doit se faire en approche globale et selon le contexte local, intégrant un maximum d’indicateurs. Elle appartient à chaque décideur qui doit raisonner en fonction de caractéristiques propres à son chantier.

Conclusion

Le recyclage du béton dans le béton, pratiqué depuis maintenant plus de 10 ans, est désormais en passe d’être mis en œuvre à grande échelle avec la possibilité concrète de réduire à terme de 20 à 30 % la consommation de granulats naturels8.

Dans le même temps :

  • Les ressources naturelles se raréfient.
  • Le parc d’ouvrages en béton, réalisé dans les années 1950, arrive en fin de vie et nécessite une réhabilitation ou un remplacement par du neuf, ce qui a pour effet d’accroître les volumes de matériaux à recycler.
  • Les pratiques de construction évoluent : au lieu d’utiliser les granulats de béton recyclé principalement sur des opérations à faible valeur ajoutée (remblais, plateformes routières…), on peut désormais les valoriser par le haut dans le cadre élargi d’une économie de plus en plus circulaire.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) a étendu le régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) aux produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment depuis le 1er janvier 2022. Afin de répondre à cette nouvelle orientation, les syndicats professionnels (FIB, Routes de France, France Ciment, SNBPE, SNROC et UNPG) représentant les 2 000 entreprises des industries du béton, prêt à l’emploi ou préfabriqué, du granulat, du ciment, de la pierre de construction et des enrobés, ainsi que des entreprises des tuiles et briques, ont créé un éco-organisme pour les produits de construction minéraux générant des déchets inertes : Écominero. L’organisation de cette filière, de plus en plus structurée, va progressivement favoriser la mise à disposition de ressources en granulats recyclés.

Fort d’un important maillage de plateformes de recyclage en France, notamment autour des grandes villes, il convient désormais de généraliser pour tous les ouvrages la valorisation de ces granulats recyclés dans les nouveaux bétons, augmentant ainsi leur valeur ajoutée environnementale tout en restant performants, durables et esthétiques.

C’est un enjeu fondamental tant pour la profession que pour la planète.

Références

  1. « Le béton, un matériau recyclable... et recyclé », Infociments, avril 2023.
  2. NF P 18-545, « Granulats - Élément de définition, conformité et codification », octobre 2021.
  3. NF EN 12620+A1, « Granulats pour béton », juin 2008.
  4. NF EN 206+A2, « Béton - Spécification, performances, production et conformité », mars 2021.
  5. B. Hermet, « Béton recyclé dans le béton, où en est-on ? », BY Bséton, 6 janvier 202
  6. P. Guiraud, B. Daubilly, « Les granulats recyclés et de prémélange dans la norme béton NF EN 206+A2/CN », Infociments, octobre 2022.
  7. PN Recybéton, Le Béton recyclé, 2022.
  8. ATILH, FDL, « Le projet national Recybéton livre ses recommandations pour le recyclage du béton dans le béton », Infociments, mars 2019.

 

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