Ton nom d’épouse, Marmier, ne fait pas résonner tes origines bretonnes, Kerivin, briochines plus exactement. Précision nécessaire, mais insuffisante pour évoquer ton parcours et ton âme généreuse. « Les Bretons savent inventer les solutions à tous les problèmes », selon J.-M. G. Le Clézio dans Chanson bretonne/L’Enfant et la Guerre. Cela te va si bien !…
La débutante
Bac en poche, tu quittes ta terre natale pour « monter à la Capitale » et intégrer l’EFAP, l’école des attachés de presse à faire absolument dans les années 1970. Diplôme en main, tu t’essayes à la politique à la mairie de Rueil-Malmaison, puis tu travailles sur divers budgets dans des agences de relations publiques (photo 1).
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Bravant la sécurité de l’emploi, tu t’installes à ton compte comme attachée de presse. Osé à cette époque où les indépendants étaient peu nombreux. Une gageure pour une femme qui ne recherchait pas la lumière ! L’un de tes gros clients est Dargaud Éditeurs, qui publie Rustica, ouvrage réputé de recettes de cuisine ; un comble quand on connaît ton appétit d’oiseau malgré les talents culinaires de ton mari Gilles !
Comme conseil en communication indépendant, tu renforces tes talents d’écriture, notamment pour des entreprises de TP, pour des constructeurs d’engins de tout type (une passion d’enfance héritée de ton papa ? et un virus transmis à ta fille Anne-Lise).
Au fil des conférences de presse que tu organises, tu rencontres Michèle, une amie commune administrateur de RGRA. Vous sympathisez « grâce » à une histoire de manteau dérobé dans les vestiaires de ta conférence de presse. De cette date naît votre amitié jusqu’à maintenant. Le tournant de ta carrière se joue sur un manteau égaré…
Tous les chemins mènent à Rome
Michèle t’embauche au service communication qu’elle dirige, au sein de l’entreprise de TP (devenue Eiffage), actionnaire de RGRA. Après les rachats successifs de cette entreprise, tu deviens l’assistante de la direction technique. Jusqu’au jour où, à la recommandation de Michèle, le président de RGRA, François Bonis Charancle, et moi t’engageons en une demi-journée. Avec l’accord, bien sûr de la société actionnaire représentée par Bernard Héritier, actuel président de RGRA.
La consécration
Tu en rêvais et tu l’as fait : devenir journaliste dans une revue technique de référence des TP !
Tu débarques à RGRA en août 1998 après 15 jours de vacances, bretonnes… évidemment. Nous formons tout de suite un duo complice et complémentaire, sans hiérarchie ; une totale confiance. « Pour les Bretons (dont je suis également), la solidarité n’est pas un vain mot, surtout lorsqu’il s’agit de naviguer dans la tempête. Maître mot : s’adapter, faire preuve de toujours plus de réactivité. »
Tu calmes mes sautes d’humeur et je te stimule. Toujours de bonne humeur (sauf si les RER te réservent de mauvaises surprises). Nous travaillons tout à la fois dans la joie, les fous rires et le stress des bouclages rendus difficiles, car l’équipe est réduite au strict minimum. À ton actif, environ 200 numéros de RGRA et une bonne dizaine de livres (photo 2).
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Nous ne nous prenions jamais au sérieux, pouvions rire de nous-mêmes et nous octroyions ainsi le droit de rire de certaines de nos « bêtes noires », peu nombreuses certes, mais les mêmes.
Tu excelles dans deux domaines en particulier
Le matériel : tu connais tout des compacteurs, finisseurs, tombereaux, de la miniaturisation des engins, des normes Tier… et le summum pour toi est le salon Intermat. Il fallait réfréner tes élans, car tu étais capable chaque mois d’écrire une revue totalement consacrée au matériel.
Pour la « fouineuse » que tu es, les « Dépêches quotidiennes » créées en 1998 sont ton terrain de prédilection. À cette époque, tu ne disposais pas des outils de recherche actuels. La tâche était difficile, mais d’autant plus grisante. Tu fais preuve d’ingéniosité pour dénicher les « scoops » et les contrôler avant publication sur notre site Internet : la réputation du sérieux technique de RGRA est en jeu. Tu as bien dû en mettre en ligne quelque 30 000…
Parties de rigolades assurées
Tu étais définitivement fâchée avec les chiffres ! Incroyable pour une femme de financier ! J’appréhendais la relecture de tes feuillets contenant %, milliards et millions… Mes essais pour t’expliquer simplement une règle de trois sont restés vains.
« Ne me demande pas de faire un article sur le vélo, je déteste » : les vélo-routes, les pistes à vélos, les garages à vélos… font florès et ils entrent dans la ligne éditoriale de RGRA, qui couvre toutes les mobilités. J’avais l’impression de te voir tomber du vélo avant de l’avoir enfourché !
Là où tu faisais très fort, ce sont les couleurs ! Dès l’entretien d’embauche, à mon grand étonnement d’ailleurs, tu déclarais : « Je vous préviens, je ne vois pas les couleurs… ». Pas inquiète, puisque je suis fille de daltonien ! Mais là, à ce point, du jamais vu ! Pourtant, inlassablement, je t’ai associée à toutes nos nouvelles maquettes de livres, de changements de revues. Et même si tu ne savais pas qualifier la couleur, tu savais me dire si tu l’appréciais et pourquoi…
À Simone, Gilles, Anne-Lise, Bertrand et Roxane
Pour la première fois, ce sont des feuillets que tu n’auras pas relus avant publication. Sache qu’ils ont été écrits avec cœur pour ta famille – qui représentait tout pour toi –, tes collègues, tes amis, tes Mauriciens, tes compagnons de nombreux voyages (Birmanie, Cuba, Inde, Île Maurice, Italie, Suisse…) (photo 3), tes auteurs et tes lecteurs.
Tu n’aimais pas les feux de la rampe. Leurs lumières se sont mises en veilleuse à la tombée du rideau.
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Le 10 juillet dernier, ont été célébrées les obsèques de Françoise Marmier, décédée à l’âge de 65 ans. Grâce à son expérience au sein d’une entreprise de construction routière, sa longue contribution à la rédaction de la RGRA, en qualité de journaliste et de chef de rubrique, aux côtés de Marie-Françoise Ossola d’abord, puis d’Olga Dubost, était précieuse.
Toute l’équipe de la RGRA et ses collaborateurs – membres du comité de rédaction ou « COPIL », maquettistes de chez Pinkart et interlocuteurs de l’imprimerie Chirat – tiennent à présenter leurs sincères condoléances à sa famille et à ses proches.